La flexibilité du mix énergétique décryptée par la R&D d’EDF pour l'atteinte de la neutralité carbone
Zéro émission nette d'ici 2050. C'est l'objectif que le groupe EDF s'est fixé. Le mix énergétique constitue pour cela un enjeu majeur, mais il n'est pas le seul. Insertion massive des énergies renouvelables variables, mais aussi nouveaux usages de l'électricité, nouveaux modes de consommation… toutes ces évolutions renforceront encore la nécessité d'ajuster en permanence la production à la demande, en utilisant l'énergie adéquate, au bon endroit, au bon moment. C'est pourquoi la flexibilité constitue l'un des thèmes centraux de la R&D d'EDF.
« Le système électrique français est déjà très décarboné, explique Valéry Martin, en charge du programme Système et marchés de l'électricité à la R&D d'EDF. C'est lié à notre parc de production qui fonctionne aujourd'hui majoritairement avec du nucléaire et de l'hydraulique. Dans les années à venir, il sera amené à intégrer de manière beaucoup plus importante les énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire, également peu émetteurs de CO2, mais dont les caractéristiques sont différentes, avec notamment une problématique liée à leur intermittence. À l'échelle du système électrique, on a aussi tendance à avoir des consommateurs de plus en plus actifs : ils produisent leur propre électricité, la consomment ou l'injectent sur le réseau. À cela s'ajoute une évolution des usages de l'électricité, avec notamment le développement des véhicules électriques… »
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De la nécessité de se projeter
Le système électrique tel qu'on le connaît aujourd'hui est donc amené à évoluer. « Cela implique de se projeter et de faire des hypothèses sur ce que sera le système électrique de demain. Nous développons pour cela des modèles numériques qui vont simuler la manière dont le système va vivre à l'avenir en fonction de différents scénarios. Toute la difficulté est de faire en sorte que ces modèles soient représentatifs de la complexité du système. » Les scénarios qui leur sont appliqués portent sur les évolutions de la consommation, de la production. « Notre mix énergétique est actuellement composé de beaucoup de nucléaire et d'hydraulique, d'un peu de centrales thermiques au gaz et au charbon, et d'un peu de solaire et d'éolien. À horizon 2040, nous aurons encore du nucléaire, de l'hydraulique, plus du tout de charbon, peut être encore un peu de gaz, et beaucoup d'éolien (terrestre et offshore) et de solaire. Nous aurons aussi des batteries, dont les propriétés de stockage sont intéressantes pour étaler les pics de production du solaire. Aujourd'hui utilisées à petite échelle, elles pourraient à terme permettre de gérer massivement du stockage, et être complétées par l'hydrogène pour certains usages. » Il faut aussi prendre en compte les impacts du changement climatique, et ses implications sur la consommation comme sur la production. Mais avoir une idée de ce qu'il va se passer globalement ne suffit pas, il faut aussi imaginer les extrêmes : une canicule prolongée, une vague de froid, et vérifier la robustesse du système à ces aléas.
Un système en équilibre instable
Le système électrique est composé d'un réseau qui relie des consommateurs et des producteurs. Ce système est en « équilibre instable constant » : il faut procéder à des ajustements permanents pour maintenir la « qualité » de l'électricité produite (sa tension, sa fréquence…), tout en faisant en sorte que la quantité d'énergie délivrée sur le réseau réponde toujours à la demande. « Ce système est à la fois un équilibre et une dynamique : il faut parvenir à coupler ces deux aspects en dosant les différents moyens de production et en les dotant de la flexibilité nécessaire, explique Valéry Martin. C'est un peu comme un vélo : il faut pédaler pour avancer, plus fort dans les montées, moins fort dans les descentes, tout en ajustant en permanence sa position pour maintenir son équilibre et ne pas s'écarter de la route. »
Vous avez dit flexibilité ?
La flexibilité pourrait donc se définir comme la capacité à suivre les variations de consommation et à rendre des services au système électrique pour assurer sa stabilité. « Aujourd'hui, le nucléaire, l'hydraulique et les centrales au gaz apportent beaucoup de flexibilité au système électrique. Demain, avec plus d'énergies renouvelables, nous travaillerons à nous assurer que nous avons toujours suffisamment de moyens flexibles pour suivre la charge. »La R&D aborde cette notion sous plusieurs axes. Tout d'abord les aspects techniques pour voir comment rendre chaque moyen de production plus flexible, ou « manœuvrant ». Les chercheurs de la R&D d'EDF cherchent alors à caractériser précisément les besoins de flexibilité des différents modes de production. Ils prennent donc plusieurs paramètres en compte : l'amplitude des variations de la puissance délivrée (c'est par exemple la capacité pour une centrale d'augmenter sa production) ; la réactivité, qui correspond à la rapidité à agir sur le volume; ou encore le nombre de ces variations sur une période donnée (combien de fois peut-on opérer une baisse dans une même journée ?).
Une affaire de production, mais aussi de consommation et de marché
La flexibilité ne repose pas que sur les moyens de production, mais aussi sur la manière de consommer. Pourquoi ne pas inciter les industriels à adapter leur process pour répondre aux besoins de flexibilité du système, moyennant une rémunération par exemple ? Les leviers se situent dans l'industrie, mais aussi chez les particuliers : eau chaude sanitaire qui ne chauffe pas toute la journée, optimisation des moments de recharge de la batterie d'une voiture électrique… À terme, les chercheurs imaginent un système contractuel un peu comme le système heures creuses/heures pleines, qui permettrait à l'utilisateur de donner ses contraintes tout en laissant le choix à un agrégateur de contrats d'optimiser la consommation au moment le plus opportun.
Il y a aussi une réflexion menée sur la structure des marchés. Prenons une éolienne : son exploitant a tout intérêt à ce qu'elle tourne car il commercialise l'électricité produite. Mais si elle produit alors qu'il n'y a pas de demande en face, cela pose un problème. Comment peut-on l'amener à réduire sa production alors que les conditions sont clémentes ? « Le marché a forcément une incidence sur la manière dont vont réagir les acteurs. Les chercheurs de la R&D réfléchissent aussi aux structures de marché qu'il pourrait être intéressant de développer pour inciter les acteurs à rendre service au système. »
Bien sûr, tout cela ne s'envisage pas uniquement à l'échelle de la France. Les chercheurs de la R&D travaillent beaucoup dans le cadre de projets de recherche européens. « C'est essentiel car les réseaux sont tous interconnectés et les règles de gestion du système comme les règles de marché ont tendance à s'homogénéiser à l'échelle européenne. »
Et les EnR dans tout cela ?
Les énergies renouvelables contribuent fortement pour les mix énergétiques qui sont carbonés, quand elles viennent en substitution d'énergies fossiles. Il nous faut donc les bonnes énergies, au bon endroit au bon moment.
Dans des mix moins carbonés, même très peu carbonés comme celui de la France, les énergies renouvelables contribuent beaucoup moins à la décarbonation de l'économie.
Cependant, le photovoltaïque et l'éolien se développent et ce que nous étudions à la R&D c'est leur variabilité, qui nécessite des besoins de flexibilité accrus pour les systèmes électriques et donc aussi plus de manœuvrabilité pour le nucléaire.
Pour que les énergies renouvelables continuent à s'insérer dans les systèmes électriques, les chercheurs travaillent sur leur pilotage afin d'être capable, en temps réel de connaître leur état de santé, leur état de fonctionnement et la quantité d'énergie qu'elles vont être capables de produire.
L'insertion des énergies renouvelables dans les réseaux haute tension et moyenne tension nécessite une adaptation du fonctionnement du pilotage des réseaux.
Un autre axe intéressant, le couplage des énergies renouvelables à des systèmes de stockage afin d'accroître la flexibilité de l'ensemble photovoltaïque, éolien et stockage.
Nous travaillons sur donc sur le pilotage des systèmes énergétiques et l'ensemble de nos travaux vont contribuer à accroître la flexibilité des énergies renouvelables et leur manœuvrabilité dans les nouveaux systèmes électriques.
Découvrez les enjeux de la flexibilité du mix énergétique
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