Les enjeux de la décarbonation de l’industrie
Le secteur industriel en France représente 20 % des émissions, c’est le deuxième secteur le plus émetteur après le transport. La décarbonation de l’industrie représente donc un enjeu majeur pour atteindre la neutralité carbone visée par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Elle fait actuellement l’objet d’un plan ambitieux d’investissement avec France 2030. Le programme de relance du gouvernement, dont elle est l’un des grands défis, lui consacre une dotation d’1,2 milliards d’euros de soutien pendant 3 ans. Alors comment décarboner l’industrie ? L’objectif est-il atteignable techniquement et économiquement ? Et dans quels délais ? Nous vous proposons un tour d’horizon des solutions matures ou non, sur lesquelles les chercheurs de la R&D d’EDF apportent leur expertise.
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Un secteur aux émissions importantes, mais des solutions existent !
Avec 80 Mt d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES), l’industrie représente 20 % du total des émissions nationales.
Les émissions de GES sont segmentées en 3 périmètres (scopes).
Le scope 1 regroupe les GES émis directement localement par l’entreprise et liés à son activité (procédés de fabrication, fonctionnement du site). Le scope 2 concerne les émissions indirectes liées aux achats d’énergie (électricité et vapeur). Et le scope 3 concerne les émissions indirectes liées à l’amont et à l’aval de l’activité (fournitures achetées – hors énergie -, transport et commercialisation, fin de vie des produits).
La décarbonation d’un industriel c’est donc à la fois décarboner son site (scope 1), son activité mais aussi décarboner ses achats d’énergie (scope 2) et de matière première et tout son écosystème (scope 3).
Dans ce dossier, nous apportons des pistes sur les solutions existantes pour décarboner les activités propres de l’industriel, celles comprises dans le scope 1.
Un objectif ambitieux
La Stratégie Nationale Bas Carbone fixe un objectif d’émission de GES à 16 Mt d’ici 2050, ce qui veut dire une réduction de 80 % des émissions.
Des émissions concentrées
L’essentiel des émissions des GES de l’industrie provient de 4 grands secteurs répartis sur moins de 400 sites industriels soumis à quota d’émission.
Chaque action de décarbonation aura donc un impact important.
De multiples leviers à mobiliser pour y parvenir
Les leviers à mobiliser sont de plusieurs ordres.
- Énergétiques tout d’abord, en remplaçant les énergies fossiles (gaz, fioul, pétrole), principales sources émettrices de GES, par des énergies bas carbone (électricité, hydrogène vert(1) ou jaune(2), biomasse, biogaz) comme source d’alimentation des process. En France, l’électrification est présentée comme un des leviers majeurs pour atteindre ces objectifs.
- Technologiques : certaines technologies utilisant l’électricité comme vecteur décarboné sont déjà matures comme les pompes à chaleur haute températures pour de la production de chaleur, la compression mécanique de vapeur en concentration de produit, les fours électriques (résistance, conduction, induction, arc, infra-rouges) pour la fusion, les traitements thermiques ou la cuisson. Elles ont déjà fait leur preuve dans certains segments de l’industrie avec une meilleure performance (rapidité, maîtrise des températures), sécurité (suppression des risques d’explosion ou d’intoxication) et des atouts logistiques (encombrement, absence d’encrassements et de post-traitement des fumées) qui viennent compenser le manque de compétitivité de l’électricité par rapport au gaz. Les technologies en rupture comme pour la sidérurgie (procédé d’électrolyse pour la production d’acier primaire par exemple), existent et s’inscrivent dans un plan d’investissements industriels de long terme.
- Produits : pour certains produits, l’étape de la décarbonation consiste à modifier sa composition pour le rendre moins émetteur de GES. Exemple dans la fabrication du ciment, en remplaçant le constituant principal, le clinker (matériau fortement émetteur), par d’autres constituants moins émetteurs (argile, pouzzolane, laitier de haut fourneau, cendres) tout en conservant les mêmes propriétés.
- Enfin, les démarches d’écologie industrielle : les entreprises peuvent mettre en place un dispositif d’écologie industrielle, en créant des symbioses entre industriels d’un même territoire pour échanger de la chaleur fatale, de l’eau ou des déchets qui peuvent se transformer en ressource pour d’autres acteurs de la zone.
(1) Hydrogène vert est produit à partir d’énergie renouvelable
(2) Hydrogène jaune est produit à partir d’énergie nucléaire
Qu’est-ce qui pousse les industriels à décarboner ?
Il y a plusieurs contraintes et incitations qui poussent les industriels à entreprendre des actions de décarbonation.
Les contraintes réglementaires, comme les quotas d’émission de CO2, pèsent de plus en plus lourd sur le budget des entreprises. Une prochaine la taxe carbone aux frontières pourrait protéger certains secteurs dans une stratégie de décarbonation.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures incitatives comme le mécanisme des Certificats d’énergie (CEE) pour favoriser les procédés énergétiquement plus efficaces. Depuis 2020, le gouvernement a lancé un grand plan de relance consacrant 1,2 milliards d’euros à l’industrie via des appels à projets de décarbonation.
Toutes ces mesures économiques sont complétées par un élément déterminant pour les entreprises : l’évolution de la demande. En effet, les consommateurs finaux sont de plus en plus nombreux à être attentifs à l’empreinte carbone de leurs achats et attendent des produits fabriqués de façon moins carbonée. La réglementation joue aussi un rôle dans cette demande, comme la RE2020 qui incite les constructeurs de bâtiments à être plus attentif au contenu carbone des matériaux.
Actuellement, une fenêtre d’opportunité sans précédent s’ouvre pour les acteurs de l’industrie qui souhaitent mettre en place des actions de décarbonation. En effet, on assiste à la conjonction entre des politiques publiques incitatives, des tendances sociétales favorables et la fin d’un cycle industriel qui pousse tous les acteurs à envisager de nouveaux investissements ; une chance pour l’Europe qui ambitionne d’être la première économie neutre en carbone du monde.