Les jumeaux numériques de bassins versants
Interview vidéo de Frédéric HENDRICKX, ingénieur chercheur et expert en Hydrologie.
Un jumeau numérique de bassin versant a pour objectif de fournir une représentation numérique de la ressource en eau à l’échelle de ce bassin versant.
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L'eau, une ressource précieuse au cœur de l'engagement de la R&D d'EDF (Frédéric Hendrickx, Ingénieur-chercheur expert)
Durée : 4:29
L’eau et le nucléaire
Portrait de Céline BOUTELEUX, ingénieur chercheur et chef de projet senior au LNHE (Laboratoire National d’Hydraulique et Environnement) au sein de la R&D d’EDF.
Présentez-vous en quelques mots
Je suis Céline Bouteleux, ingénieur chercheur et chef de projet senior au LNHE à la R&D d'EDF. Après un doctorat en chimie et microbiologie de l'eau et des expériences dans des laboratoires renommés comme le CNRS ou l'INSERM, j'ai choisi de mettre mes compétences au service de l'industrie, en me focalisant toujours sur le traitement de l'eau et les circuits hydrauliques. C'est ensuite au sein du LNHE d'EDF que j'ai trouvé ma place en tant qu'ingénieur chercheur.
En quoi consistent vos missions au quotidien ?
Aujourd'hui, ma principale mission au sein de la cellule R&D consiste à piloter le projet « Traitement d'Eau et Environnement 2025 » dont l'objectif général est de rechercher les technologies et procédés de traitement de l'eau innovants à mettre en œuvre sur les circuits d'eau et les effluents pour limiter l'impact sur l'environnement des centrales nucléaires tout en maintenant voir améliorant leur performance.
À la R&D, nous souhaitons contribuer, chaque jour, à l'innovation et à l'amélioration des pratiques dans le domaine du traitement de l'eau afin d’améliorer la performance environnementale des centrales nucléaires.
Quels sont les principaux défis liés à l'eau dans le contexte des centrales nucléaires ?
L'eau est cruciale pour la production nucléaire notamment pour le refroidissement de ses équipements. Or, sous l'effet du changement climatique, la ressource en eau s'amenuise et il y a un risque de dégradation de la qualité de l'eau. Une quantité moindre d'eau signifie une capacité de dilution réduite pour les rejets anthropiques ; une eau plus chaude contient moins d'oxygène dissous, ce qui peut amplifier les phénomènes d'eutrophisation.
Aussi, le premier défi est de s'assurer de l'adaptation de nos installations et de leur fonctionnement sous changement climatique, dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau et de tensions croissantes entre les différents usages, tout en assurant la sûreté des installations.
Le deuxième défi, même si une grande majorité de l'eau prélevée par les centrales est restituée au milieu naturel (+ de 97 %), est de ne pas exercer de pression supplémentaire sur une ressource déjà contrainte en termes de quantité et de qualité d'eau.
Cela nécessite donc de trouver des solutions visant à minimiser les prélèvements et consommations d'eau, mais aussi des solutions pour que l'eau qu'on restitue au milieu naturel soit de la meilleure qualité possible (effluents chimiques et thermiques).
Quels sont vos travaux en cours dans ce domaine ?
Les travaux de R&D sont nombreux sur cette thématique, cherchant des solutions innovantes pour améliorer la gestion des circuits dans nos centrales nucléaires. La totalité des actions de recherche menées dans le projet que je pilote répond à ce sujet et se concentrent sur trois principaux axes :
- Identifier les possibilités de réutilisation et d'économie des ressources, en eau ou en substances chimiques, dans le but de réduire l'empreinte environnementale ; il s'agit de rechercher des solutions de sobriété : comment moins prélever, moins consommer et réutiliser l'eau ?
- Optimiser le fonctionnement des circuits de refroidissement, afin de réduire l'encrassement pour une performance accrue et le développement de micro-organismes pour maîtriser les risques sanitaires. Cela implique la recherche de solutions biocides et anti-encrassement innovantes et respectueuses de l'environnement.
- Identifier et évaluer les technologies innovantes de traitement des effluents liquides pour minimiser les rejets de substances chimiques et radiochimiques dans l'environnement.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d'outils opérationnels ?
La R&D œuvre à une cartographie des flux d'eau en centrales nucléaires, au cœur du programme de sobriété en eau, et initiée cet été sur la centrale de Golfech. Son objectif est de quantifier les différents flux d'eau (domestique, industrielle, de refroidissement, pluviale) afin de réduire la consommation globale. Cette étape cruciale pour la préservation de la ressource nécessite une connaissance précise des prélèvements, consommations et rejets en eau, souvent difficiles à évaluer. Cette démarche, amorcée en 2023, sera étendue aux autres centrales dès 2024-2025, grâce à une collaboration entre la R&D et la DPN.
Autre exemple phare, nous étudions aujourd'hui un procédé innovant permettant de récupérer une partie de l'eau contenue dans les panaches des tours de refroidissement. Ce procédé breveté par une startup américaine (« Infinite Cooling ») émanant du MIT, est fondé sur un mécanisme d'ionisation des gouttelettes à l'intérieur de l'aéroréfrigérant. Il permettrait de récupérer entre 5 et 15 % de l'eau évaporée. Ce procédé, encore en cours de développement, sera testé sur le banc MISTRAL (unité expérimentale permettant historiquement de qualifier les nouveaux corps d'échange « packings » des aéroréfrigérants) de la centrale de Bugey courant 2024 pour vérifier ses performances et évaluer la faisabilité technique d'installation d'une telle technologie au sein des systèmes de production.
Transcription
Infinite cooling, le système de récupération de l'eau des aéroréfrigérants
Sans système Infinite cooling
L'eau est consommée par évaporation.
Avec système Infinite cooling
Le flux d'air passe à travers des électrodes émettrices puis des électrodes collectrices qui collectent l'eau.
Les +
- Une économie d'eau
- Une eau recyclée « purifiée », utilisable pour d'autres usages
- Prototype testé à EDF en 2024
Quel aspect de votre travail vous enthousiasme le plus ?
Ce qui me fait vibrer le plus, c'est d'apporter des réponses concrètes à des questions spécifiques, avec un souci d'application opérationnelle rapide. La diversité des sujets et des interactions est une source constante d'apprentissage.
Piloter un projet diversifié et faire le lien entre la recherche et son application industrielle est une satisfaction majeure. Contribuer, à ma mesure, à minimiser l'impact environnemental d'EDF est une source de motivation quotidienne.
En quinze ans à la R&D d'EDF, j'ai vu le Groupe évoluer pour optimiser son impact sur la société et l'environnement, notamment en ce qui concerne la ressource en eau. Son engagement envers ces enjeux est tangible et particulièrement stimulant.
Et pour aller plus loin…
Découvrez en vidéo, les résultats d’une étude d’impact environnementale menée sur la Loire et le Rhône, effectuée grâce aux modélisations développées par la R&D d’EDF.
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Transcription
Répartition de la consommation de l'eau en France
- Agriculture : 58 %
- Eau potable : 26 %
- Énergie : 12 %
- Industrie : 4 %
La gestion de l’eau et l'impact sur la biodiversité
Rencontre avec Véronique Gouraud, ingénieur chercheur senior à la R&D d'EDF.
Pourquoi la ressource en eau, sa disponibilité comme sa qualité, ont un impact significatif sur la biodiversité ?
Dans le contexte de changement climatique, cette question cruciale est plus que jamais d'actualité. La R&D développe des actions visant à limiter l'impact des aménagements de production d'électricité sur les écosystèmes. Pour cela, comprendre les mécanismes reliant les conditions hydrologiques, hydrauliques et thermiques aux évolutions des organismes est essentiel et nécessite non seulement une vision locale, mais également une vision à l'échelle des bassins versants.
Parmi les risques écologiques inhérents à la production d'électricité, l'incidence de la restitution des débits à l'aval des aménagements hydroélectriques et l'incidence du réchauffement de l'eau par les rejets thermiques des centrales nucléaires sont des thématiques de recherche traitées à la R&D d'EDF depuis les années 70-80. Il est nécessaire d'une part de garantir un débit minimum pour préserver les habitats des organismes, de limiter les impacts des restitutions brutales de débit et d'autre part de veiller à la qualité de l'eau restituée à l'aval des aménagements. Réglementairement, des seuils de débit minimum et des seuils thermiques doivent notamment être respectés pour préserver le bon état écologique des écosystèmes.
La quantité d'eau prélevée, restituée et la manière dont elle est gérée conditionnent fortement les conditions d'habitats pour les organismes vivants, qui ont des besoins spécifiques en termes de hauteur d'eau, de vitesse, d'abri et de substrat. Cet habitat hydraulique, et sa qualité physico-chimique (comprenant la température, l'oxygénation et les concentrations de substances chimiques) sont directement influencés par le débit du cours d'eau et jouent un rôle clé sur l'état de la biodiversité. Les périodes de reproduction et de développement des jeunes organismes sont des phases particulièrement sensibles à la variation de ces paramètres.
De quels indicateurs disposons- nous pour mesurer l'impact sur la biodiversité ?
La R&D, en collaboration avec des partenaires académiques, analyse la réponse des organismes aux variations des paramètres du milieu. Des suivis hydrobiologiques sont effectués sur le terrain, à l'amont et à l'aval des aménagements afin d'examiner l'évolution des communautés en fonction des conditions environnementales, notamment l'habitat, le débit et la température. L'analyse de ces suivis, souvent réalisée avec des outils innovants (comme des modèles de dynamique de populations de poissons, des approches statistiques bayésiennes ou des analyses de tendances d'évolution), révèle une complexité importante. Les réponses des effectifs sont influencées par divers facteurs, tant naturels qu'anthropiques. À l'aval des barrages, les crues, par exemple, ont un impact significatif en « réinitialisant » les abondances des organismes. Les conditions thermiques affectent également la survie à différents stades de développement. La disponibilité d'abris et de caches dans les cours d'eau joue également un rôle prépondérant. À l'aval de certaines centrales hydroélectriques, « dites à éclusées » des variations de débits sont générées par le turbinage pour répondre aux pics de consommation d'électricité. Une modulation appropriée de ces restitutions d’eau (en terme de débit de base, de gradients de montée et de descente…) peuvent permettre de réduire la dérive, le piégeage ou l'échouage des organismes et les pertes d'habitat qu’elles génèrent.
La compréhension de ces mécanismes nécessite de disposer de suivis répliqués dans le temps et dans l'espace. La multiplicité des facteurs influant sur les communautés rend, en effet, complexe l'identification de chaque élément en jeu. Face au manque général de données de biodiversité disponibles pour évaluer l'efficacité des mesures de restauration ou de gestion des débits mises en œuvre, il est essentiel de poursuivre et d'élargir ces suivis.
Néanmoins, les suivis hydro-écologiques réglementaires des centrales nucléaires réalisés depuis leur construction dans les années 80-90 permettent d'étudier l'évolution des écosystèmes aquatiques des grands fleuves français sur ces 40 dernières années. L'augmentation progressive de la température de l'eau, la réduction des débits des fleuves, la forte réduction de l'eutrophisation engendrent des changements dans les communautés biologiques. Une forte diminution de l'abondance du phytoplancton est observée. Des changements profonds dans les stratégies écologiques des espèces d'invertébrés et de poissons sont également constatés.
Pouvez-vous nous citer des exemples d'outils déployés par la R&D d'EDF ?
La récolte et l'analyse des données de suivis des organismes et de leurs habitats constituent un socle pour développer des outils opérationnels permettant de caractériser et réduire l'impact écologique des aménagements.
Les besoins spécifiques des espèces en termes de hauteur d'eau, de vitesse et de conditions de température ont, par exemple, pu être quantifiés. Cela a permis de développer des outils pour simuler l'habitat pour différentes espèces et stades de développement en fonction du débit d'eau délivré en aval des installations hydroélectriques.
- Un exemple concret est la plateforme HABBY, développée en partenariat avec l'INRAe et l'OFB (Office Français de Biodiversité), qui couple des modèles hydrauliques pour simuler l'évolution des conditions de hauteur et de vitesse en fonction des débits avec les préférences hydrauliques des espèces.
- Autre exemple la R&D se penche également sur la question des chasses, soit l'évacuation des sédiments des barrages lors de forts débits. La méthode d'évacuation influe sur les concentrations de matière en suspension, suivies lors de ces opérations de façon à maîtriser leurs impacts. Les équipes cherchent à déterminer quels seuils de concentration amènent une réponse des différentes espèces (déplacements). Des suivis sont réalisés pour identifier ces seuils. On évalue aussi les éventuels risques pour les espèces en fonction de la durée de la chasse et de la concentration. Tout cela vise à affiner les recommandations de gestion.
- Par ailleurs, la R&D élabore des modèles de dynamiques de population pour évaluer l'état des populations de poissons dans les tronçons à l'aval des barrages où l'eau est prélevée et est en quantité moindre qu'en milieu naturel. Une interface web, dénommée DYPOP, a été développée pour diagnostiquer l'état de fonctionnement des populations de truite et est mise à disposition de tout utilisateur souhaitant réaliser ce diagnostic.
- En plus des études locales, des travaux sont entrepris pour évaluer les risques liés aux éclusées et à la réduction du débit à l'échelle d'un bassin versant. Des cartes sont utilisées pour évaluer ces risques pour chaque tronçon en aval des centrales hydroélectriques. Ce travail a été réalisé en partenariat avec l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse.
En résumé, les suivis hydrobiologiques constituent une base précieuse pour comprendre les mécanismes mis en œuvre et permettent de développer des outils servant à proposer des mesures de gestion adaptées.
L’enjeu est maintenant de développer des outils pour anticiper les impacts du changement climatique sur les communautés biologiques. Il faut traduire les évolutions attendues des débits et des températures en conditions d'habitat et évaluer les réponses des organismes qui en résulteront.
EXPLORE 2, c’est quoi ?
Un portail qui donne accès à des connaissances sur l’impact du changement climatique sur l’hydrologie. Porté par l’INRAE et par l’Office National de l’Eau, le projet rassemble de nombreux acteurs actifs dans le domaine de l’hydrologie et du climat en France : Météo-France, BRGM, ENS, Sorbonne Université, IRD, CNRS et EDF. Son objectif, communiquer des informations clés pour accompagner les acteurs des territoires dans la compréhension des résultats et pouvoir adapter leurs stratégies de gestion de la ressource. Dans le cadre de ce projet la R&D d’EDF développe des jumeaux numériques de bassin versant qui propose une représentation de la ressource naturelle et de l’activité des hommes à l’échelle de ce bassin.
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