2 questions à Cécile Laugier

Directrice Environnement et Prospective de la Division Production Nucléaire

Portrait de Cécile Laugier

Quels sont les interactions entre la production nucléaire et la ressource en eau ?

La production nucléaire est dépendante de la ressource en eau, en premier lieu pour le refroidissement de son cycle thermodynamique, que ce soit en circuit ouvert (où la quasi-totalité de l'eau prélevée est restituée au milieu initial) ou en circuit semi fermé (qui permet de limiter les volumes d'eau prélevée mais qui est pour partie (environ un quart) consommée sous forme de panache atmosphérique dans les tours aéroréfrigérantes). C'est globalement plus de 97 % de l'eau prélevée par la production nucléaire qui est restituée à son milieu d'origine immédiatement disponible pour les autres usages. Les rejets d'effluents liquides ou thermiques dans le milieu aquatique font l'objet d'une règlementation très stricte et adaptée aux spécificités des sites et leur situation hydrologique. Les sites en bord de rivière ont établi une bonne coordination avec les gestionnaires d'ouvrages hydrauliques en amont, qu'il s'agisse d'EDF ou d'un autre organisme comme par exemple l'établissement Seine Grands Lacs pour la centrale de Nogent sur Seine.

En quoi le programme de recherche de la R&D d'EDF permet à la production nucléaire de mieux appréhender la question de la ressource en eau ?

La question de la disponibilité de la ressource en eau sous les effets du changement climatique est posée pour le nucléaire, comme pour d'autres moyens de production, tels que l'hydraulique. Les deux derniers été 2023 et surtout 2022 ont montré la résilience du parc de production à des situations climatiques sévères, et nous incite à développer des capacités de projection à moyen et long terme de la quantité et la qualité de la ressource en eau pour anticiper d'éventuelles adaptations. Les jumeaux numériques de bassins versants développés par la R&D sont attendus pour y parvenir en prenant en compte les phénomènes à l'échelle des bassins hydrologiques et en intégrant l'évolution des usages.

Le parc nucléaire est engagé dans une réduction de sa consommation d'eau. La R&D d'EDF est attendue sur sa capacité à proposer des méthodes et technologies innovantes. Le test en 2024 sur le site du Bugey d'un prototype de récupérateur d'eau dans les panaches des aéroréfrigérants en est l'illustration.

Les travaux d'EDF R&D sur les effets des rejets thermiques sur la biodiversité aquatique ont permis de montrer le caractère très localisé de ces effets mais également qu'ils étaient minimes par rapport à ceux du changement climatique. La poursuite de ce programme (thermie-hydrobiologie) devra s'étendre aux questions de l'adaptation des écosystèmes au changement climatique et aux milieux estuariens et marins.

Enfin, la mise en œuvre des moyens de modélisation des milieux aquatiques (OpenTelemac) permet au parc et aux ingénieries de mieux comprendre et maitriser les pressions exercées sur les écosystèmes et la ressource, sur la base d'outils et de méthodes reconnues par les parties prenantes.

Vue aérienne du CNPE de Nogent-sur-Seine

2 questions à Bruno de Chergé

Directeur Eau, Environnement, Territoires et Climat à EDF Hydro.

Portrait de Bruno de Chergé

La ressource en eau est fondamentale pour EDF Hydro, quelles sont ses attentes vis-à-vis de la R&D ?

La production hydroélectrique dépend effectivement à 100% de l’eau, par nature, et joue également un rôle particulier dans le système électrique où elle assure l’essentiel du stockage et une part majeure de la flexibilité.

Les travaux d’EDF R&D sur la modélisation de la ressource en eau à l’échelle des bassins versants sont donc importants pour prévoir l’évolution de son « combustible » à moyen et long termes en complément des outils de prévision dont elle dispose déjà, en lien avec la DTG. L’enjeu est non seulement de prévoir le productible hydraulique mais également de gérer en concertation avec les autres usagers le stock d’eau présent dans les aménagements qu’elle exploite. Il est donc primordial que les méthodes de prévision de la ressource d’EDF et, en particulier les outils développés par EDF R&D, soient partagés et reconnus à l’externe.

EDF Hydro est également très attentif aux questions liées à la qualité de l’eau (température, chimie, microbiologie, etc.) où ses retenues peuvent parfois jouer le rôle d’atténuateur ou de révélateur de problèmes. Les travaux menés par EDF R&D sur la modélisation et la compréhension des phénomènes associés y contribuent pleinement.

Enfin, la question de la gestion des sédiments est également fondamentale pour EDF Hydro. Elle adresse des questions de sûreté, de productible et d’acceptabilité. Aussi, les travaux de la R&D sur la modélisation du transport sédimentaire et la recherche de solutions innovantes pour la gestion des sédiments sont-ils particulièrement attendus par les exploitants et les ingénieries.

Et à propos de la préservation de la biodiversité ?

Les retenues gérées par EDF ont une capacité d’environ 7 Mds m3 et représentent donc une part importante des eaux de surface de France métropolitaine. Plus de 80 % des ouvrages hydroélectriques se situent dans ou à proximité de zones protégées (Natura 2000, Parcs Nationaux, PNR, etc.). EDF Hydro est pleinement engagé dans les questions de préservation de la biodiversité aquatique et est l’un des clients majeurs et historiques du programme de recherche d’EDF R&D (BIODIV’). Ce programme repose sur des compétences écologiques et se nourrit de nombreux partenariats scientifiques avec les institutions académiques de référence du domaine. Il s’agit par exemple d’étudier les effets des éclusées, d’évaluer l’efficacité des débits réservés à l’aval des ouvrages ou des ouvrages de protection. Ces travaux alimentent aussi bien les choix d’investissement que les concertations avec les parties prenantes et, à ce titre, l’implication des sociologues du GRETS permet de mieux comprendre les dimensions sociétales d’une gestion de l’eau par essence partagée.

Vue aérienne des aménagements hydrauliques du GEH Durance-Verdon

Pour aller plus loin

Gestion de l’eau et ouvrages hydrauliques au sein du groupe EDF