« Le numérique doit permettre de simplifier la conception et l’exploitation du parc nucléaire »
Le numérique est utilisé par EDF depuis plus de 30 ans pour améliorer les performances du Parc nucléaire. Pour intensifier et répandre son usage, plusieurs projets de R&D sont dédiés au développement des innovations digitales pour le nucléaire et à la préparation de leur industrialisation. Rencontre avec Catherine Devic et Patrick Morilhat, en charge du programme « Performance du nucléaire » à la R&D d’EDF.
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Le numérique n’est pas une fin en soi, c’est un moyen qui doit permettre d’atteindre l’objectif de simplifier la conception et l’exploitation des centrales nucléaires. C’est en ce sens que la R&D accompagne le Groupe EDF dans la digitalisation de son parc de production en menant plusieurs projets qui répondent à des enjeux importants comme la fiabilisation des activités, la réduction des coûts de maintenance, la prolongation de la durée de vie des centrales et au-delà l’attractivité de la filière nucléaire pour attirer de nouveaux talents.
Visualiser l'état courant de la centrale en numérisant plus d'information pour les analyser avec de l'intelligence artificielle
« Nous disposons de données numériques de plus en plus complètes concernant nos matériels et nos installations », explique Catherine Devic. « Il s’agit d’informations en temps réel sur l’état des équipements enregistrées via des capteurs, de l’historique complet des moyens de production, qui permettent d’avoir une vision globale de l’état physique à jour des locaux industriels grâce à des techniques d’acquisition rapide. Un atout primordial pour l’exploitation et la maintenance des centrales et leur durée de vie ».
« Les travaux ont consisté, dans une première étape, à numériser des données autrefois accessibles uniquement sous forme de documents papier, ou peu accessibles comme les données géométriques des installations telles que construites », détaille Patrick Morilhat. « Puis ces données ont été rassemblées dans ce qu’on appelle des entrepôts de données. Il a fallu ensuite apprendre aux logiciels qui utilisent ces données à les lire et à les interpréter, en s’appuyant sur des algorithmes d’intelligence artificielle. L’étape actuelle consiste à associer ces données désormais accessibles, à jour et exploitables, à de puissants outils de simulation numérique, c’est ce qu’on appelle des jumeaux numériques. Ces modèles vivants permettent de comprendre le comportement des matériels, de prédire leur éventuelle défaillance et de simuler rapidement différents modes d’exploitation afin de définir les meilleurs scénarios d’utilisation, qu’il s’agisse d’un système élémentaire, de composants comme le générateur de vapeur ou de l’ensemble du réacteur. » À titre d’exemple, le projet Vercors illustre les possibilités offertes par la digitalisation. Cette maquette d’enceinte double paroi à l’échelle 1/3, construite sur le site d’EDF des Renardières pour étudier le vieillissement des enceintes de manière accélérée, s’accompagne d’un jumeau numérique, un double virtuel qui intègre les mesures réalisées en continu sur l’enceinte réelle. Il permet de centraliser les données, de les visualiser, de simuler le fonctionnement et de prédire son évolution.
Faciliter l'exploitation et la maintenance
« La numérisation et la contextualisation des informations permet aussi de développer des aides à l'exploitation pour assister les opérateurs dans leurs tâches et simplifier le travail collectif », souligne Catherine Devic. Ainsi, le projet « waze du nucléaire » vise à développer un logiciel pour cheminer plus facilement dans une centrale tout en restant informé d'aléas possibles sur les chantiers à proximité, et a récemment été testé sur le site du Blayais. Autre exemple : un simulateur pour entraîner les intervenants - à l'instar d'un « simulateur de vol » - pour fiabiliser les opérations de conduite en local à effectuer par ces agents de terrain lors d'un arrêt de tranche.
Prédire et prévoir
La digitalisation sert aussi à mener plus efficacement les chantiers réguliers imposés au parc de production nucléaire avec des exigences fortes en termes de sûreté et de respect de l'environnement. Ces chantiers peuvent s'avérer particulièrement complexes, comme l'explique Patrick Morilhat : « Un chantier d'arrêt de tranche sur une centrale peut compter jusqu'à 15 000 interventions différentes, dans un espace réduit et un temps limité, alors que certains locaux comme le Bâtiment Réacteur ne sont accessibles qu'à partir du moment où la centrale est arrêtée pour travaux. Disposer de visites immersives préalables dans les locaux et être capable de présenter les matériels sur lesquels il faudra intervenir est très précieux pour organiser les interventions, simuler les flux de personnes et former les intervenants. »
Ces innovations mobilisent l'ensemble de la filière nucléaire, qui bénéficie ainsi d'un autre aspect positif de la digitalisation : « Les outils numériques, en incluant immersion 3D, réalité augmentée et assistants vocaux sont aussi un gage d'attractivité à l'égard des jeunes générations », souligne Patrick Morilhat.
Des projets R&D menés en proximité avec les acteurs de terrain
La R&D d'EDF a un rôle clé dans la digitalisation des centrales. Elle s'attache à comprendre le besoin des acteurs sur le terrain pour y répondre en apportant des solutions reposant sur différentes briques technologiques développées en interne ou en externe par des académiques ou des industriels de la filière. « Dans les projets R&D, nous intégrons les utilisateurs finaux pour concevoir et tester avec eux leurs futurs outils. La prise en compte des facteurs humains et des conditions de travail actuelles et futures est indispensable pour réussir tout projet de transformation. Après un test « grandeur nature » sur une des centrales EDF, nous accompagnons sa généralisation », explique Catherine Devic.
Ces innovations sont conçues au sein du Connexlab, un laboratoire d'innovation de la filière nucléaire situé à EDF lab-Saclay qui sert de creuset de compétences et permet de préparer leur industrialisation. Une fois validées, ces solutions sont ensuite déployées sur l'ensemble du parc Nucléaire.