Sur les 450 TWh que représente la consommation énergétique industrielle française chaque année, 140 TWh ressortent sous forme d’énergie fatale, autrement dit d’énergie résiduelle produite au cours du processus industriel mais non utilisée. Jean-Louis Peureux, Chef de projet R&D EDF présente les technologies qui permettent aux industriels de valoriser cette énergie le plus souvent perdue et d’optimiser ainsi performance énergétique et bilan carbone.

Pourquoi l’énergie fatale est-elle devenue une préoccupation majeure des industriels ?

Moins on produit d’énergie fatale, plus on est performant sur le plan énergétique. La pression réglementaire sur les rejets de CO2 et l’augmentation du coût de l’énergie incitent les industriels à être beaucoup plus attentifs aux gisements d’économie d’énergie et, pour les sites soumis aux quotas de CO2, à la réduction du bilan carbone. Aujourd’hui, les technologies et les équipements permettant de valoriser l’énergie fatale gagnent en intérêt car ils couvrent un large spectre de solutions et présentent désormais de bons retours sur investissement.

Quels sont les moyens de limiter l’énergie fatale ?

En adaptant les utilités, (moyens nécessaires au fonctionnement de l’usine comme l’électricité, air comprimé, froid, vapeur, etc…) aux besoins réels du site. Par exemple, il est inutile de produire de la vapeur à 8 bars si 3 suffisent. Une pression trop élevée génère une surconsommation énergétique et une surconsommation de fluides, sources d’énergie fatale. Il est souvent nécessaire d’adapter également les process. A partir d’une analyse globale des flux thermiques d’un site, on étudie les moyens de tirer parti de l’énergie récupérée à la fin du procédé en la convertissant en énergie utile au site.

Sur quelles technologies s’appuie-t-on ?

Il y en a trois principales. A partir d’une analyse globale de l’ensemble des flux d’un site pour favoriser les échanges thermiques (méthode du pincement), l’échangeur est une technologie qui permet de récupérer en fin de process un flux à haute température et de le combiner avec un flux froid de manière à le réchauffer. On procède de façon inverse pour le refroidir. La méthode limite considérablement le recours à un groupe froid ou à un système de chauffage et génère donc d’importantes économies d’énergie. C’est le cas dans une usine de fromage : par la mise en contact croisé des liquides, on fait passer le lait de 4 à 90 °C pour le stériliser avant de le faire redescendre à nouveau à 4 °C pour le stocker. Deuxième technologie, la pompe à chaleur (PAC). Performante pour de nombreuses installations industrielles, elle permet à partir d’une énergie résiduelle à 40 °C de remonter en température jusqu’à 80 ou 100 °C et de répondre ainsi à des besoins énergétiques sur le site. Troisième technologie, le stockage thermique utilisé pour des opérations de type séquentiel. Il s’agit de réexploiter l’énergie perdue dans une première opération pour initier une deuxième opération déphasée dans le temps tout en optimisant l’énergie fatale.

Quelle est l’expertise EDF et comment l’équipe R&D accompagne-t-elle les entreprises ?

Nous initions des programmes de recherche en partenariat avec des universitaires et des équipementiers pour faire de la prospective et des tests sur toutes les technologies. Nous cherchons notamment à adapter les pompes à chaleur aux besoins thermiques des industriels car la technique permet d’élargir considérablement le domaine de la récupération de chaleur. A partir de prototypes et d’outils de simulation, nous avons développé une PAC qui fonctionne jusqu’à 140 °C sans fluide frigorigène. Mais déjà, nous arrivons à proposer des PAC qui atteignent 100 °C. Par ailleurs nous accompagnons les forces de vente EDF dans leurs conseils et audits auprès des industriels dans des secteurs aussi variés que l’agroalimentaire, la chimie, le papier carton. Nous organisons régulièrement des réunions dans nos labos de R&D. Nous intervenons ensuite en support pour conseiller les industriels dans les solutions adaptées. 70 % de l’énergie consommée par l’industrie française sert à faire de la chaleur. Travailler sur la récupération de cette chaleur est donc un poste particulièrement générateur d’économies d’énergie.

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