La chaire Risque et Résilience des Systèmes Complexes a été créée il y a plus de 10 ans, en 2009 avec CentraleSupelec et l'Université de Paris-Saclay. « À l’époque aucune structure en France n’étudiait ce sujet qui pourtant commençait à prendre une importance très grande pour EDF » raconte Laurent Billet, délégué Scientifique à la R&D d'EDF. L'essor des énergies renouvelables allait impacter le fonctionnement du système électrique, peut-être l'un des systèmes les plus grands et les plus complexes jamais conçu par l’homme.
L'objectif de la chaire RRSC ? Développer des modèles et des méthodes pour prévoir la résilience de ce système à l’afflux de nouveaux moyens de production intermittents et à l’impact d’événements extérieurs.
En 2019, EDF et CentraleSupélec souhaitent s’associer à d’autres partenaires, la SNCF et Orange, pour monter d’un cran dans l’analyse des systèmes complexes. L’idée est d’aborder l’étude des systèmes industriels de très grande taille et interconnectés. En effet, les systèmes complexes sont souvent largement interconnectés : sans réseau de télécommunication, pas de possibilité de piloter le réseau électrique, sans électricité, pas de télécommunications et pas de réseau de transport.
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La R&D d'EDF partenaire de CentraleSupélec et de l'Université Paris-Saclay
Pour nous, la résilience est un indicateur de performance dont on observe l’évolution dans le temps.
« Ce que nous étudions, c’est la résilience de ces systèmes rappelle Anne Barros, Directrice de la Chaire Risque et Résilience des Systèmes Complexes. Pour nous, la résilience est un indicateur de performance dont on observe l’évolution dans le temps. Cela peut être le nombre de gares desservies, le délai de transmission dans un réseau télécom, ou le ratio entre l’énergie demandée et l’énergie fournie dans un réseau électrique. Cet indicateur peut chuter à la suite d’un incident, d’une défaillance de matériel ou d’un événement extérieur. On va s’intéresser à la vitesse à laquelle la performance décroit et à l’amplitude de la chute (vulnérabilité) puis à la vitesse à laquelle on peut faire remonter cet indicateur vers un niveau acceptable voire nominal (récupération et restauration). Pour minimiser la vulnérabilité, on cherche à optimiser la conception des systèmes et de leurs interconnexions afin de limiter la propagation des défaillances et leur impact. Pour les phases de récupération et restauration, on cherche à optimiser des stratégies de pilotage et de maintenance. »
« Une réussite importante, dans le cadre de la chaire, c’est d’avoir prouvé notre capacité à traiter la question des grands systèmes complexes interconnectés. C’est un sujet très difficile, souligne Laurent Billet et qui a donné lieu à une communication particulièrement remarquée d’Anne Barros lors de la séance plénière du dernier congrès ESREL 2023. Cet objectif a été atteint grâce à la construction d’un programme de thèses cohérent (cf encadré) relié à de véritables problématiques industrielles. »
L’intégration de trois partenaires industriels majeurs au sein d’une même chaire est également une belle prouesse. Il a fallu convaincre les entreprises de partager des données, de se mettre d’accord sur les hypothèses de recherche, sur les cas d’usage… en résumé, de se faire confiance. Et l’histoire ne va pas s’arrêter là. « Nous souhaitons élargir le consortium à de nouveaux partenaires, annonce Laurent Billet. Nous nous intéressons aux réseaux d’eau, de transport de gaz et d’électricité, aux systèmes aéronautiques… »
Avec les années, la réputation de la Chaire a grandi. « Elle a atteint l’objectif que nous lui avions fixé : devenir une institution de référence à un niveau international dans le domaine des systèmes complexes », sourit Laurent Billet.
La réputation de la chaire attire de nouveaux enseignants-chercheurs en son sein, ce qui permet d’accroître sa capacité de recherche. Elle séduit également de très bons candidats pour y faire un doctorat, malgré une attractivité particulièrement forte du marché de l’emploi au niveau Bac+5. L’engagement des partenaires de la chaire, leur détermination à travailler ensemble et la promesse de sujets de recherches passionnants, car impossibles à trouver ailleurs, sont des arguments majeurs pour convaincre les étudiants les plus brillants de rejoindre la chaire pour se lancer dans une thèse.
En 2024, la chaire sera renouvelée pour un prochain cycle de 5 ans. Ce renouvellement fera l’objet d’un nouveau programme scientifique. Des réflexions ont déjà eu lieu pour proposer de nouvelles orientations de recherche. On peut citer parmi les thèmes proposés les jumeaux numériques, l’impact du changement climatique, la cybersécurité en tant que menace systémique et la résilience des systèmes informatiques.
Une réussite importante, dans le cadre de la chaire, c’est d’avoir prouvé notre capacité à traiter la question des grands systèmes complexes interconnectés. C’est un sujet très difficile.
Un partenariat construit sur un programme de thèses
La Chaire « Risques et résilience des systèmes complexes » est construite autour d’un programme de thèses. Ce sont les thèses de la chaire qui sont le moteur de ses recherches. Les industriels partenaires viennent avec leurs besoins. Les doctorants, encadrés par des académiques, explorent de nouvelles idées, des solutions. « On estime que le partenariat est réussi quand les inventions, nées dans le cerveau des académiques, deviennent des innovations, c’est-à-dire qu’elles ont résolu un problème pour des clients ou trouvé un marché », résume Laurent Billet.
Ce fonctionnement a plusieurs avantages. Chaque partenaire industriel attire dans son sillage son lot de doctorants et de sujets de recherche. Ainsi, depuis l’arrivée d’Orange et de la SNCF, le volume de recherche est plus important. La Chaire compte chaque année plus d’une demi-douzaine de thèses (au sein de la chaire ou dans des projets subventionnés). De plus, les doctorants et les post-doctorants de la chaire forment un vivier de recrutement privilégié pour les partenaires, car ils sont formés sur des sujets de très haut niveau.
Autre avantage de ce partenariat : l’obtention de financements publics. « Aujourd’hui, notre budget de recherche a été multiplié par deux grâce aux fonds publics, souligne Anne Barros. Cela démontre à la fois le sérieux de notre travail et notre capacité à trouver des financements pour que celui-ci ne repose pas que sur les partenaires industriels. »
Enfin, portés par le succès et la réputation de la chaire, les échanges avec les étudiants se développent toujours plus. « Nous interviendrons désormais en Master 2 international à l’INSTN, avec une population d’étudiants étrangers», annonce Anne Barros. Une manière de cultiver l’attractivité de la Chaire auprès de futurs chercheurs du monde entier. Et nous ouvrons en septembre 2024 une formation de troisième année dans le cursus CentraleSupélec sur les thèmes de la gestion des risques.
Idée reçue : Les doctorants ne veulent pas faire de thèse pour l’industrie
De plus en plus de doctorants, au contraire, sont intéressés par les thèses dans le domaine industriel. Cela leur permet d’avoir accès à de vraies problématiques et à de vraies données.
« En tant qu’académiques, nous faisons des recherches sur les sciences de l’industrie, mais nous ne sommes jamais sûr que cela répond à leurs besoins… Il nous faut un partenaire qui nous ramène à la réalité », reconnaît Eric Favre, Professeur à l’Université de Lorraine et membre du partenariat Mélusine. « Quand on est dans un secteur qui relève de la recherche appliquée, notre travail fait sens si et seulement si l’on part de problématiques industrielles », complète Anne Barros.
La recherche industrielle est de plus portée par l’attrait pour la recherche en général. « Lors d’une table ronde à CentraleSupélec auprès des élèves de 3ème année, 90 % des étudiants étaient intéressés par l’idée de faire une thèse : la filière attire », constate Ange Caruso, délégué partenariats à la R&D d’EDF. « Aujourd’hui nous arrivons à renouveler notre volume de thèses sans difficulté. »