Le Réacteur Numérique : « l’occasion de décupler nos forces » pour le CEA

Acteur majeur de la recherche, du développement et de l’innovation dans le domaine du nucléaire, le CEA est l’un des partenaires du projet Réacteur Numérique. Xavier Raepsaet, responsable de la simulation au sein de la direction des énergies (DES) du CEA, nous explique son implication et ses attentes.

Quels sont les enjeux du projet pour le CEA ?

Le projet va nous aider à faire converger des millions de lignes de code ! Nous réalisons déjà quelques couplages entre briques de simulation, mais nous avons aujourd’hui l’occasion d’aller plus loin dans l’interopérabilité de tous nos codes de calcul, qu’ils aient été développés par le CEA, EDF, Framatome ou co-développés. Le CEA est très centré sur le calcul de référence, qui vise à avoir une compréhension la plus fine possible des phénomènes physiques à l’intérieur des réacteurs. Nos logiciels sont complémentaires des simulations plus industrielles, qui travaillent à d’autres échelles de raffinement avec des temps de restitution des résultats plus exigeants. Cette mutualisation est très importante et passera par le partage de standards de calcul.

Le réacteur numérique va également faire progresser nos modèles de calcul en y intégrant de nouvelles données, notamment les mesures de fonctionnement des centrales. Ces données réelles vont nous permettre de réduire les incertitudes dans nos modèles, de renforcer la validation, de les rendre plus robustes et plus prédictifs : une demande croissante des autorités de sûreté.

Quelle expertise apporte le CEA dans le réacteur numérique ?

Nous sommes à l’origine d’une partie des grands logiciels de simulation du réacteur et de ses composants utilisés par EDF et Framatome, avec qui nous collaborons depuis déjà de nombreuses années. Nous apportons ces briques logicielles notamment en neutronique, en thermo-hydraulique et dans le comportement du combustible. Nous sommes en outre force de proposition sur tous les développements capables d’améliorer la physique que portent ces briques logicielles et leur caractère prédictif. La direction de la recherche technologique du CEA (DRT) participe également à ce projet via une plateforme d’orchestration de services de simulation à destination des acteurs de la filière nucléaire française. Cette infrastructure doit permettre la communication avec les données de mesures du cycle de vie de la centrale.

Comment se passe concrètement le travail avec les autres partenaires ?

Une dizaine de personnes sont impliquées au CEA DES et DRT. Nous avons pris la responsabilité de la création de la plateforme de simulation multiphysique avancée pour les études. Nous participons également à la plateforme d’exploitation. CATHARE, notre logiciel de simulation des écoulements dans l’ensemble du réacteur et de ces composants, sera par exemple utilisé dans les deux plateformes, mais associé à une physique moins fine pour la plateforme d’exploitation et d’entraînement.

Quels seront les apports du projet pour la filière ?

Même si nous avions des grands accords de R&D avec EDF et Framatome, travailler pendant quatre ans avec différents acteurs de la filière nucléaire française nous permettra d’aller plus loin, de mieux nous connaître, de mieux nous comprendre, bref, de collaborer toujours plus efficacement. Le projet de jumeau numérique est ambitieux, il va améliorer nos relations au sein de la filière, pour rationaliser et décupler nos forces.

 

Des réacteurs à la pointe de l’état de l’art, grâce au numérique pour Framatome

À la fois chaudiériste, fournisseur de composants et de combustible mais également en charge de la maintenance de tous types de réacteurs nucléaires, Framatome est très impliqué dans le projet de réacteur numérique. Stéphane Bugat, directeur de la recherche et du développement nous explique pourquoi.

Quels sont les enjeux du réacteur numérique pour Framatome ?

Le réacteur numérique est un outil important pour l’amélioration continue de la sûreté. Il va nous permettre de disposer d’un clone digital intégrant toutes les particularités de chaque chaudière nucléaire. De plus, en organisant et en assemblant les différentes briques de simulation, il va faciliter la mise à jour ou le remplacement des codes de calcul par d’autres, intégrant les dernières avancées de la physique par exemple. Ce sera très important pour nos études, qui utilisent beaucoup la simulation pour faire la preuve de la sûreté de nos équipements dans toutes les situations, qu’elles soient normales, incidentelles ou accidentelles. En intégrant les données spécifiques à chaque installation, en facilitant le remplacement de briques logicielles, nos études vont gagner en précision.

En développant des plateformes numériques, le projet va nous permettre d’offrir des services beaucoup plus souples à nos clients, français comme internationaux. C’est le développement du nucléaire au niveau mondial qui est en jeu ici, en améliorant sa crédibilité et son attractivité.

Quelle expertise apporte Framatome au projet de réacteur numérique ?

Nous apportons un certain nombre de codes de calculs en neutronique et en thermo-hydraulique qui sont autant de briques logicielles, dont certaines ont été codéveloppées avec le CEA et EDF. Nous allons aider nos partenaires à intégrer ces briques et à valider leur assemblage en y apportant notre savoir-faire. Cette validation doit se faire tant du point de vue informatique, en veillant à leur interopérabilité, que du point de vue physique en veillant à la qualité et la précision des résultats, le tout en respectant les attendus des autorités de sûreté nucléaires.

Comment travaillez-vous avec les autres parties prenantes ?

Nous pilotons la démarche de validation de la plateforme de simulation avancée pour les études. Nous participons à la spécification des offres de service en intégrant les contraintes de nos clients en termes de temps de calcul et de coût, en fournissant des cas d’étude. Nous allons également participer à la plateforme de formation et d’entraînement, en travaillant sur des bases de simulations qui vont permettre de réduire les temps de réponse. Nos ingénieurs en études de sûreté vont la tester.

Qu’attendez-vous du projet ?

Le réacteur numérique nous offrira la possibilité d’intégrer plus de données dans nos études, comme celles du contrôle/commande, le système nerveux de sûreté de la chaudière. L’utilisation d’une plateforme numérique, facile d’accès pour nos clients et partenaires, va vraiment changer la façon de réaliser des études. Par exemple, nous serons à même d’obtenir et partager des résultats de simulation plus rapidement lors des études de réexamen de sûreté qui peuvent durer des mois. L’utilisation de modèles toujours à la pointe de l’état de l’art permettra à nos clients de dégager des marges d’exploitation supplémentaires dans le respect des exigences de sûreté. Au-delà de l’exploitation, ces nouveaux outils nous apporteront de la souplesse d’utilisation et nous aideront à terme à concevoir des réacteurs avec le meilleur optimum techno-économique et toujours le plus haut niveau de sûreté.