Margarita Veshchezerova, Ahmed Zaiou, YU Sizhuo et Antoine Michel, doctorants ou stagiaires chez EDF dans nos centres R&D en France et à l’étranger vous racontent tout sur leur parcours, leur(s) intérêt(s) à étudier dans le domaine du quantique ainsi que leur vision de l’avenir du quantique.
Pourquoi le quantique ?
Quel est votre parcours ? Qu'avez-vous choisi comme formation(s) ? Diplôme(s) obtenu(s) ?
Margarita Veshchezerova : Après 3 ans d'études à l'univesité à Moscou (Moscow Institute of Physics and Technology), j'ai intégré le cursus d'ingénieur de l'Ecole Polytechnique. Pour ma dernière année d'école j'ai choisi le master de Télécom Paristech sur l'informatique quantique. Après la fin d'étude j'ai commencé une thèse CIFFRE financée par EDF et encadrée par LORIA.
Ahmed Zaiou : J'ai effectué une licence en Sciences Mathématiques et Informatique, puis j'ai décidé de continuer mes études à travers un master de recherche Web intelligence et science de données (WISD). Après la première année de ce master, je me suis inscrit au master Exploration Informatique des Données et Décisionnel (EID2) à l'université Sorbonne Paris Nord pour obtenir un double diplôme. Après cela, j'ai obtenu une bourse d'excellence pour venir à l'Université Sorbonne Paris Nord et y effectuer mon stage de fin d'études sur un sujet de recherche 'Quantum Artificial Intelligence'.
Yu Sizhuo : J'ai réalisé une formation d'ingénieur à l'École Centrale Pékin, avec un échange avec le CentraleSupéléc. C'était une formation sino-française grâce à laquelle j'ai obtenu un diplôme d'ingénieur un diplôme de Master en Science. Je travaille aussi avec un professeur dans le département de la physique lors de mon Master.
Antoine Michel : Après un bac S, j'ai effectué deux années de classe préparatoire scientifique en région parisienne. J'ai ensuite intégré une école d'ingénieur à Grenoble. Je n'y suis resté qu'un an car les cours proposés ne me convenaient pas et je voulais faire essentiellement de la physique et des mathématiques. Je me suis donc inscrit en troisième année de Licence de physique à l'université Paris Diderot. J'ai poursuivi par mon M1 puis j'ai suivi le M2 ICFP (International Center for Fundamental Physics) de l'école normale supérieur de Paris dans le parcours physique Quantique. Je suis ensuite entré en doctorat à la R&D d' EDF. Je suis aujourd'hui diplômé d'un Bachelor en science de l'ingénieur, une licence de physique et un M2 de physique quantique.
Pourquoi avoir choisi d'étudier dans le domaine du quantique ? Quelle thématique ?
Margarita Veshchezerova : Mon choix d'étudier dans le domaine du quantique s'est fait un peu par hasard. Lors de mon stage d'entreprise, je suis rentrée dans le domaine ce qui m'a permis de connaitre les principaux acteurs du secteur. J'ai ensuite pu découvrir le côté scientifique du sujet – et me prendre de passion pour le mélange des disciplines impliquées dans la construction et l'utilisation de l'ordinateur quantique.
Ahmed Zaiou : J'ai toujours aimé la science. Grâce à mon stage de fin d'études sur un sujet de recherche 'Quantum Artificial Intelligence', j'ai pu voir dès les premiers jours, la puissance de l'informatique quantique et le nombre de problèmes classiques qui peuvent être résolus grâce à cette puissance. J'ai compris que je voulais poursuivre dans ce domaine qui me passionne et me fais rêver.
Yu Sizhuo : Le quantique est un des domaines les plus mystérieux dans la physique. Il cache des possibilités infinies liées aux nouveaux matériaux, supraconducteur, calcul quantique, etc. Plus précisément, je travaille sur le thème de “quantum many-body system”, qui étudie les états quantiques exotiques dans les matériaux. Je commence également à travailler sur le thème de calcul quantique sur les problèmes d'optimisation dans le projet “quantogether” au sein d'EDF R&D Chine.
Antoine Michel : Je suis devenu un passionné de mathématiques et de physique en terminale puis cette passion s'est confirmée en classe préparatoire. C'est en troisième année de licence que j'ai découvert les domaines contemporains de la physique et notamment la physique quantique. C'est un domaine totalement contre intuitif et qui ne peut être décrit que par un formalisme mathématique. Paradoxalement, c'est aussi ce qui décrit la nature à de très petites échelles et donc tout l'univers qui nous entoure. J'ai donc été fasciné par cette discipline que ce soit dans le formalisme purement mathématiques mais aussi et surtout pour ce qu'elle apporte en philosophie des sciences (le rapport à la réalité, la description du monde etc…). De plus, la physique quantique offre énormément de débouchés actuellement car c'est un domaine qui explose.
La thématique vers laquelle j'ai décidé de m'orienter est ce qu'on appelle « la matière condensée ». Il s'agit du domaine physique où on étudie les phénomènes quantiques au sein de la matière ordonnée (par exemple les métaux). De plus, je suis très intéressé par les nouvelles technologies quantiques qui évoluent à grande vitesse dans les domaines du calcul et de la simulation.
Qu'est-ce qui vous plaît concrètement ?
Margarita Veshchezerova : J'apprécie beaucoup la complexité des thématiques inspirées par le domaine. Et les promesses du quantique et leur coté “science-fiction” – m'inspirent quotidiennement !
Yu Sizhuo : J'apprécie d'effectuer de nouvelles recherches et expérimentations sur différentes thématiques. Je suis pleinement conscient de vivre une révolution.
Antoine Michel : Le formalisme mathématiques de la physique quantique est très complet et très intéressant. Décrire le monde par des mathématiques me fascine et les technologies quantiques peuvent apporter énormément en termes de savoir et de compréhension du monde. Elles peuvent être très utiles pour les problématiques actuelles (énergie, calcul, problèmes complexes etc…).
Pourquoi avez-vous choisi de travailler à la R&D d'EDF ?
Margarita Veshchezerova : Ce qui m'a beaucoup plus dans l'offre de thèse chez EDF est l'aspect “collaboration scientifique et industrielle” : il y a encore de grandes marches à franchir avant l'utilisation industrielle de l'informatique quantique, et j'apprécie de travailler au sein d'une entreprise qui contribue à réduire cet écart.
Ahmed Zaiou : Durant mon stage de fin d'études à l'Université Sorbonne Paris Nord, mon encadrant m'a proposé de venir à la R&D d'EDF pour discuter d'un projet de thèse dans le domaine de l'informatique quantique. Après cela, j'ai commencé à travailler là-bas à travers une thèse sur le thème des études probabilistes de sûreté à l'aide d'algorithmes quantiques, où nous utilisons la puissance de l'informatique quantique afin de trouver les résultats pour analyser les risques dans un temps raisonnable.
Antoine Michel : EDF est une entreprise avec laquelle je partage mes valeurs, notamment en termes écologiques et dans sa volonté de réduire à zéro ses émissions carbones. De plus c'est une entreprise reconnue pour sa branche R&D. Cette thèse était donc parfaitement en adéquation avec ma passion pour la physique (physique quantique, matériaux, simulation quantique) mais aussi avec mon envie d'être utile et d'aider à améliorer les matériaux des centrales nucléaires et de participer à la recherche de nouvelles batteries électriques. Cette thèse me permet aussi de découvrir le monde de l'industrie, tout en gardant un pied dans le monde académique.
Yu Sizhuo : « La R&D d'EDF apprécie la valeur des recherches fondamentales. En plus, c'est passionnant de faire partie d'un effort commun vers un futur 0-Carbon. »
L'avenir du quantique
Pour vous le quantique est une discipline, un métier d'avenir ?
Margarita Veshchezerova : Tout dépend de notre capacité à franchir les obstacles à la construction d'ordinateurs quantiques à plus grande échelle : jusqu'à ce que nous atteignons une taille de qbits intéressante, l'informatique quantique restera principalement un problème théorique.
Ahmed Zaiou : Pour moi, l'informatique quantique c'est l'informatique de demain, et je souhaite m'investir dans ce domaine de l'informatique quantique
Yu Sizhuo : Absolument, le quantique cache des nombreuses applications potentielles. Par exemple « le quantum communication » qui est déjà réalisé et industrialisé partout dans le monde. En fait, sans quantique, on ne peut pas avoir développé l'industrie de semi-conductor, dont les technologies informatiques. Sans doute que le quantique sera le futur.
Antoine Michel : Lorsque l'on voit que des entreprises comme Google, IBM ou Microsoft possèdent une branche uniquement dédiée à cela et les centaines de start-up qui ont vu le jour partout dans le monde ces dernières années, on peut se dire qu'à défaut d'être une discipline d'avenir, on fonde beaucoup d'espoir dessus. L'entreprise ou le pays qui aura la suprématie quantique possédera une avance technologique considérable par rapport à ses voisins. De plus, cette technologie est applicable dans tellement de domaines, je peux dire sans trop de doute que le quantique jouera un rôle majeur dans nos sociétés ces prochaines années, notamment la simulation et le calcul quantique qui joueront un rôle crucial dans la sécurité, l'énergie, le calcul complexe et la lutte dans le réchauffement climatique.
Selon vous, y'a-t-il des risques ou plutôt des avantages à travailler dans le domaine du quantique ?
Margarita Veshchezerova : Il y a des risques. En effet si nous observons aujourd'hui une augmentation de l'intérêt et des investissements dans le domaine du quantique, le milieu pourrait dans le futur arrêter de capter cette attraction. Mais dans ce cas les compétences développées pourraient s'exporter à d'autres domaines.
Yu Sizhuo : Il y a des risques, c'est sûr. Mais ces risques viennent de l'incertitude, qui peut aussi être interprété comme des opportunités. Et pour moi, c'est plutôt une question de “comment” le quantique va changer le monde de futur et non pas une question de “si”.
Antoine Michel : Selon moi, le risque principal est qu'on n'arrive pas à la suprématie quantique (trop compliqué technologiquement) et que le phénomène s'essouffle. Cependant, les apports peuvent être tellement nombreux même sans atteindre une « suprématie » qu'il n'y a pour moi que des avantages à travailler dans ce domaine.
Vous-même vous vous voyez rester travailler dans le domaine du quantique ? Comment envisagez-vous votre avenir professionnel à long terme ?
Margarita Veshchezerova : Pour l'instant cela est difficile à dire, je ne suis qu'au milieu de ma thèse. J'aimerai rejoindre une équipe de R&D, quantique ou pas, cela dépendra des opportunités qui se présenteront.
Yu Sizhuo : Je voudrais continuer à étudier un PhD sur le calcul quantique, et continuer travailler dans ce domaine. Après le PhD, j'aimerais travailler dans une université ou dans une entreprise, cela dépendra de la maturité de cette technologie.
Antoine Michel : Mon objectif est de rester dans le domaine de la simulation quantique, notamment sur les domaines des énergies et tout ce qui peut aider pour lutter contre le réchauffement climatique et le gaspillage des ressources. L'idéal pour moi serait d'être enseignant-chercheur à l'université tout en gardant un lien fort avec l'industrie (la R&D d'EDF par exemple ou une start-up). J'aimerais garder une forte connotation recherche à mon parcours.
Le quantique et vous
Appartenez-vous à des communautés ou réseaux autour du quantique ? (En France et/ou à l'étranger, chercheurs, autres doctorants ou stagiaires…)
Margarita Veshchezerova : Le contexte sanitaire rends les contacts difficiles, mais j'entretiens et j'étends mon réseau personnel.
Ahmed Zaiou : Je participe au projet européen NEASQC (à expliciter en mettant une note de page). Par ailleurs, je suis en relation avec d'autres doctorants travaillant dans le domaine de l'informatique quantique.
Yu Sizhuo : Oui, pendant ma formation de Master, je travaillais dans le département de la physique dans mon université en Chine. Nous travaillons principalement sur le “quantum many-body system”, qui est profondément lié avec l'informatique quantique. On avait des échanges régulièrement avec d'autres équipes qui travaillent sur le quantique en Chine, les universités, l'académie de science, etc. J'ai aussi une expérience en stage chez Baidu, une entreprise chinoise, experte sur le machine learning.
Antoine Michel : J'ai fait des rencontres lors de mon M2 avec des acteurs qui travaillent directement ou indirectement sur le calcul et la simulation quantique. La thèse que j'effectue chez EDF va me permettre (je l'espère !) de créer un réseau dans ce domaine en France ou à l'international. C'est l'un des objectifs de ma thèse.
Comment votre entourage perçoit le domaine du quantique ?
Margarita Veshchezerova : Le quantique les fascine, mais reste très mystérieux.
Yu Sizhuo : Je suis entouré par deux groupes très différents — Les experts sur quantique et les non-experts. Typiquement, mes camarades non-experts, même après avoir suivi le cours de la mécanique quantique, considèrent le domaine du quantique “magique” et “incompréhensible”. Soit ils pensent qu'un ordinateur quantique par exemple, peut résoudre toutes les problèmes. Soit ils pensent que c'est un domaine réservé à la recherche scientifique, et qu'il n'aura pas d'impact dans le futur proche. Les experts, quant à eux se plongent souvent dans les détails les plus fins pendant des semaines, et oublient la “magie” du quantique. Je trouve que c'est un domaine où il est très difficile pour un expert de s'expliquer clairement et brièvement à un non-expert. Mais de toutes façons, les échanges entre ces deux groupes sont très importants ce qui est prometteur
Antoine Michel : Mon entourage n'est pas du tout spécialiste du domaine et donc pour eux c'est assez obscur. Quelques-uns savent que ce domaine est sur le point d'exploser. J'ai l'impression de faire des sciences occultes parfois pour ma famille car c'est une domaine très pointu et assez peu connu dans les détails du grand public.