Histoire et perspectives de l’hydrogène à la R&D d’EDF
L’hydrogène bas carbone est en première page de l’actualité économique depuis plusieurs mois ! La R&D du groupe EDF est active pour contribuer à l’émergence de ces solutions innovantes au service de la stratégie du groupe et en soutien au développement des activités de la filiale Hynamics. D’ailleurs, l’intérêt de la R&D pour ce sujet ne date pas d’hier ...
L'hydrogène bas carbone à la R&D d'EDF : une histoire qui dure
Annonces de plans gouvernementaux, nouveaux objectifs européens, multiples intérêts industriels… l'hydrogène bas carbone fait l'actualité. Le groupe EDF a pour sa part fondé sa propre filiale dédiée, Hynamics, il y a déjà deux ans. Mais son intérêt en la matière remonte en réalité à plusieurs décennies ! Retour sur les différentes recherches menées par la R&D d'EDF et les virages stratégiques qui en ont découlé.
Au début des années 1970, Paul Godin alors jeune chercheur, est chargé de réfléchir à un sujet novateur, l'hydrogène obtenu par électrolyse. À l'époque, le nucléaire occupe la part belle de la recherche. Mais, l'emploi de cet hydrogène décarboné n'est pas pour autant occulté. En France et en Europe, les scientifiques commencent alors à l'étudier pour son transport, à évaluer la sensibilité des aciers de canalisations à son contact et même à étudier son stockage. Paul Godin et ses confrères d'EDF se concentrent quant à eux sur le vecteur hydrogène car ils y voient l'opportunité de produire de l'hydrogène en heures creuses. Un rapprochement avec Gdf (Gaz de France) et des groupements de constructeurs s'opèrent alors. Objectif : passer de cellules de principe à des électrolyseurs d'une puissance d'une dizaine de kilowatts (kW) à des unités de plusieurs Mégawatts (MW). Des progrès considérables sont effectués en la matière…jusqu'à l'éclosion d'un véritable démonstrateur monté en partenariat avec Air liquide à Waziers (département du Nord), au milieu des années 1980, projet mené par un GIE (le Groupement d'Etude et de Développement de l'Electrolyse Avancée, G.E.D.E.A, auquel participent EDF, GDF et GEC-ALSTHOM).
La renaissance de l'hydrogène électrolytique
Ce démonstrateur atteint la puissance de 20 Mégawatts (MW), ce qui reste encore aujourd'hui un record mondial ! Mais l'intérêt porté à l'hydrogène électrolytique s'efface à mesure que s'écoule la décennie 1990. Pourquoi ce désintérêt progressif ? « Dès le début des années 1980 grâce au développement des interconnections européennes des réseaux de transport, l'échange d'électricité entre pays s'accroit et ajoute un nouveau levier de flexibilité aux systèmes électriques. La problématique des heures creuses qui touchait des pays responsables de leur équilibre production-consommation devenait par conséquent beaucoup moins pertinente » explique Paul Godin. Le sujet de l'hydrogène réapparaît pourtant à la R&D d'EDF en 2003, à l'occasion de la création d'EIFER, le centre de recherche commun d'EDF et du KIT* situé en Allemagne. Mais, il ne figure pas encore parmi les priorités.
L'hydrogène à l'heure de la transition énergétique
Un nouveau tournant s'opère vers 2010. La transition énergétique est lancée et le sujet de l'hydrogène bas carbone est de nouveau étudié par la direction de l'entreprise : « nous avons revisité les différentes technologies liées à l'hydrogène et nous nous sommes posé les questions suivantes : quelles sont les évolutions ? Que peut-on dire aujourd'hui de l'électrolyse ? Des piles à combustibles ? Est-ce que l'idée de microcentrale électrique est pertinente ? Nous sommes arrivés à la conclusion que les rendements étaient faibles, mais que dans un contexte de décarbonation de l'économie, le vecteur hydrogène obtenu avec de l'électricité bas carbone, donc nucléaire ou renouvelable, était pertinent pour décarboner les usages actuels de l'hydrogène, pour apporter de l'énergie bas carbone à des usages industriels non électrifiables et pour les transports lourds (bus, trains, camions, bateaux, …) » résume Etienne Brière, actuel directeur du programme, Énergies Renouvelables, Hydrogène, Stockage et Environnement de la R&D d'EDF. Le passage de la recherche à l'innovation se trouve souvent à la conjonction de progrès techniques et d'opportunités liées au marché. L'enjeu de décarbonation a fait resurgir un sujet familier à la R&D d'EDF… et les techniciens qui travaillent aujourd'hui sur l'hydrogène n'ont pas manqué de s'appuyer sur la littérature léguée par les chercheurs des décennies précédentes, pour amorcer au mieux le nouveau virage stratégique que vit aujourd'hui le groupe EDF avec l'émergence d'Hynamics.
L’historique d’EDF et de l’électrolyse de l’eau
Quelle stratégie européenne pour l'hydrogène bas carbone ?
Lancées dans le cadre de plans de relance post-COVID, les stratégies hydrogène se multiplient et une dizaine de pays européens ont ou s'apprêtent à prendre des engagements forts. La France et l'Allemagne ont ainsi promis d'investir 7 et 9 milliards d'euros dans le secteur d'ici 2030. Pourquoi cette soudaine dynamique ? Et comment évolue la vision de l'Europe sur l'hydrogène bas carbone ? Le point avec Dominique Lafond, chercheur expert à la R&D d'EDF.
Le sort de l'hydrogène bas carbone a basculé en 2015 lors de la signature des accords de Paris sur le climat. Près de 200 pays se sont alors engagés à atteindre d'ici 2050 la neutralité carbone. Pour remplir cet objectif ambitieux, il convient de décarboner la société à tous les niveaux et sans perdre de temps… mais selon les différents scénarios anticipés, éliminer le charbon et le pétrole de nos usages, ne suffirait pas à obtenir la neutralité carbone, quand bien même nous serions en mesure d'améliorer nos capacités de captage et de stockage du CO2, il faut également supprimer les énergies fossiles de la production des vecteurs énergétiques.
L'hydrogène bas carbone : le chaînon manquant vers la neutralité carbone
L'hydrogène bas carbone apparait alors comme le chaînon manquant pour tenir nos engagements. Produit à partir d'électricité, il n'était pas jugé jusqu'ici prioritaire. Logique, pourquoi recourir à l'hydrogène quand il est possible d'électrifier directement les usages ? Le procédé implique forcément une perte de rendement et l'hydrogène électrolytique* ne saurait être compétitif face à des alternatives décarbonées, tels que l'électricité, le bois ou les réseaux de chaleur pour le simple exemple du chauffage… Seulement, certains usages s'avèrent difficiles à électrifier et l'hydrogène bas carbone devient alors une solution d'avenir sans laquelle la neutralité carbone ne pourrait être atteinte. Dans la mobilité lourde par exemple, la solution batterie présente certaines limites, notamment en termes d'autonomie et de capacité à se recharger. L'hydrogène a, quant à lui, de bonnes performances en la matière et il est envisagé pour alimenter les autobus et trains de demain, mais aussi pour du transport maritime voire peut-être, à long-terme, le transport aérien.
* Hydrogène produit par électrolyse de l'eau : dans l'électrolyseur, deux électrodes séparées par une membrane sont plongées dans de l'eau. Lorsque le courant électrique passe dans l'eau, les molécules d'H2O se décomposent. Sur une des électrodes se forment des bulles d'O2 (oxygène) et, sur l'autre, des bulles d'H2 (hydrogène).
Sur quel hydrogène l'Europe mise-t-elle ?
Dans la foulée des accords de Paris, l'Europe a braqué ses projecteurs sur l'hydrogène. Pendant un certain temps, la priorité de la Commission Européenne a été de développer l'hydrogène vert, produit à partir d'une électricité d'origine seulement renouvelable. Mais le projet CertiFHY*, auquel la R&D d'EDF a participé, a contribué à infléchir cette position : « nous avons attiré l'attention sur le fait qu'utiliser de l'énergie renouvelable pour fabriquer de l'hydrogène ne signifiait pas forcément que l'installation était faiblement émettrice de carbone. Si vous avez un électrolyseur branché sur un parc électrique renouvelable 50 % du temps et que le reste du temps, il est raccordé à de l'électricité produite à partir de charbon, alors cela reste une installation très carbonée. Nous avons fait passer le message qu'il était nécessaire de calculer l'empreinte carbone et qu'il fallait aussi prévoir l'emploi d'un hydrogène bas carbone d'origine nucléaire », se rappelle Dominique Lafond, ingénieur-chercheur au département SYSTEME (SYSTèmes Electriques et Marchés des Energies de la R&D d'EDF.
*CertifHY, initiative européenne, est un système de certification pour le « carburant hydrogène ». Il représente une étape vers la mise en place d'un marché européen de l'énergie sans carbone. », issu du site Afhypac.org (Association française pour l'hydrogène et les piles à combustible)
Une nouvelle dénomination et des annonces...
De nouveaux textes européens sont en cours de rédaction et une nouvelle dénomination semble se profiler, celle d'un hydrogène propre : « L'Europe dans sa stratégie sur l'hydrogène publiée en juillet 2020 précise que d'autres formes d'hydrogène bas carbone seront nécessaires pour réduire rapidement les émissions et soutenir un marché viable, et ce au moins jusqu'à la fin de la phase de transition en 2050. Cela ouvre la voie à une position française car, grâce à notre électricité réseau dont le contenu en CO2 est très faible, nous pouvons produire de l'hydrogène bas carbone » poursuit Dominique Lafond. Dans cette même stratégie, l'Europe s'est fixée un objectif ambitieux de 40 GW de capacité d'électrolyseur d'ici 2030. Cela permettrait de produire environ 10 millions de tonnes d'hydrogène électrolytique, soit l'équivalent de la production actuelle d'hydrogène d'origine fossile sur le continent.
Découvrez le site de France Hydrogène l'Association française pour l'hydrogène et les piles à combustible.
Les perspectives de l'hydrogène
À la R&D, nous travaillons également sur les solutions de demain. Installés au plus près des usages de l'hydrogène, les électrolyseurs pourront contribuer à répondre aux besoins de flexibilité accrus des systèmes électriques. Nous avons ainsi construit une plateforme de test des électrolyseurs sur le site EDF Lab les Renardières, pour évaluer les impacts d'une alimentation électrique variable venant des réseaux électriques bas carbone et des installations EnR (énergies renouvelables) variables, sur la performance des électrolyseurs, sur son vieillissement, et sur la qualité de l'hydrogène produit !
Enfin, de nouvelles technologies d'électrolyseurs apparaissent comme les électrolyseurs à haute température, notre but est d'en évaluer la performance afin de permettre au groupe EDF d'utiliser ces nouvelles technologies dès qu'elles seront arrivées à maturité.