Le Gifen dynamise les projets d’innovation en synergie

Le syndicat professionnel de l’industrie nucléaire française (Gifen), créé en juin 2018, regroupe 260 membres (entreprises et associations). L’une de ses missions est de favoriser des projets de R&D entre exploitants, industriels et associations liés au nucléaire. Cécile Arbouille, ingénieure en mécanique et déléguée générale du Gifen, détaille les contours des actions menées.

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En quoi consistent les missions du Gifen dans le domaine de l’innovation ?

Le Gifen s'inscrit dans un contrat de filière, signé en janvier 2019 par l'État et l'ensemble des représentants de la filière. Il définit les grands enjeux auxquels celle-ci s'engage à répondre en priorité. Parmi ces enjeux figurent la transformation écologique, les réacteurs et les outils du futur, pour lesquels le Gifen est notamment chargé de créer un environnement favorable à des projets d'innovation. Notre filière est une industrie de pointe et une figure de proue de l'usine du futur, avec des thématiques transverses comme la métallurgie ou l'électricité. Notre rôle est d'identifier les terrains d'innovation stratégiques pour l'ensemble de la chaîne de valeur du nucléaire français, puis de favoriser une dynamique collaborative. L'émergence de nouveaux projets d'innovation s'en trouve facilitée et cela permet aussi de favoriser la coopération entre grands groupes et petites entreprises.

 

Comment se déroule la collaboration au sein du Gifen ?

Une commission du Gifen est dédiée à l'innovation et à la R&D. Présidée par Bernard Salha, directeur de la R&D d'EDF, elle rassemble 53 personnes représentant 44 entreprises qui souhaitent participer à des projets multi-partenaires. Notre mission quotidienne est de dynamiser et de promouvoir les projets d'innovation collaborative émergeant au sein de la filière. Nous avons également un rôle fédérateur de mise en relation de nos adhérents, et d'accompagnement dans leur réponse à des appels à projets. Elle accompagne ainsi l'innovation individuelle et collective, avec l'écosystème des associations liées au nucléaire.

 

Quels sont les sujets de recherche concernés ?

La commission R&D-Innovation a identifié quatre grands axes d'innovation. Le premier est l'économie circulaire qui concerne, par exemple, la gestion et le recyclage des déchets nucléaires mais aussi des formations méthodologiques sur la durabilité des procédés. Le deuxième axe concerne les réacteurs du futur et les jumeaux numériques. Cet axe donne lieu à un travail commun avec notre commission « numérique ». Le troisième axe « Usine & outils du futur » a pour but d'identifier les innovations à privilégier dans les projets à venir. Cela peut être, par exemple, l'intelligence artificielle, la robotique ou les matériaux intelligents. Ces réflexions concrètes vont de pair, notamment, avec l'accompagnement des projets soutenus et suivis au sein du Gifen. Enfin, un quatrième axe est l'innovation collaborative, qui concerne les méthodes pour accélérer l'innovation multipartenaires et définir les conditions de propriété intellectuelle.

 

Pourriez-vous nous donner quelques exemples du travail en commun ?

En 2021, dans le cadre du plan France Relance, le Gifen a mené un suivi continu de l'appel à projets « Plan de relance pour l'industrie : Secteur stratégique nucléaire ». Nous avons proposé à nos adhérents, en amont de chacune des trois échéances de réponse à l'appel à projet, des sessions d'informations et des webinaires avec Bpifrance, la Direction générale des entreprises et la Direction générale de l'énergie et du climat. Cela a permis de mieux informer les industriels sur les processus de candidatures. Les entreprises porteuses de projets ont aussi pu présenter leurs projets aux membres de la commission R&D-Innovation, ce qui leur a permis de gagner en visibilité et de confirmer la dimension stratégique de leurs solutions pour la filière. Dans le cadre de cet appel à projets, 21 projets suivis et soutenus par le Gifen ont été déposés, dont 6 pour la première échéance de dépôt de dossiers en janvier 2021. Cinq d'entre-eux ont été retenus par l'État sur les thèmes suivants : vanne connectée pour la maintenance prédictive des équipements de robinetterie nucléaire ; fabrication de pièces forgées de grande dimension ; sécurisation et utilisation de données anonymisées ; développement d'outils et de méthodes pour construire une simulation numérique immersive et interactive d'un réacteur en conception ; fabrication de combustibles ATF plus sûrs et plus performants.

La SNETP favorise l’innovation au niveau international

Fondée en 2007 et présidée par Bernard Salha, directeur de la R&D d’EDF depuis Juin 2020, la SNTEP (Sustainable Nuclear Energy Technology Platform) rassemble 120 acteurs du nucléaire. Ses membres sont essentiellement européens, hormis quelques pays tiers, tels que la Corée du Sud, le Japon ou l’Ukraine. Abderrahim Al Mazouzi , chercheur senior à la R&D d’EDF et secrétaire général de la SNETP souligne son importance pour la recherche internationale dans le nucléaire et les entreprises innovantes de la filière.

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En quoi consiste les missions de la SNETP et qu’apporte-t-elle à ses membres ?

La SNETP a un rôle de facilitateur à différents niveaux. Tout d'abord, grâce à son Comité central qui rassemble environ 20 personnes issues pour moitié de l'industrie et pour moitié de la recherche. Nos réunions trimestrielles permettent ainsi aux différents acteurs du nucléaire d'échanger sur l'actualité et les besoins de la filière en termes de technologie, stratégie de la R&D européenne, de formation ou de personnels par exemple. Nous organisons également un forum annuel, qui a rassemblé jusque 650 participants, pour échanger sur les nouvelles pistes d'innovation. Ce forum, ainsi que la plateforme d'innovation ouverte de la SNETP qui fonctionne comme un réseau social, permettent à tous, dont EDF, d'initier des projets communs de R&D, en accédant aux compétences complémentaires des autres acteurs de la filière. Cela permet aussi de solliciter plus facilement des financements de la Commission Européenne pour certains projets de R&D. Enfin, la SNETP intervient au niveau européen pour mettre en avant l'intérêt du mix énergétique bas carbone entre le nucléaire et des énergies renouvelables comme le photovoltaïque, l'éolien et l'hydraulique et l'intérêt des innovations de la filière nucléaire qui sont transposables à d'autres filières.

 

Comment se matérialise la collaboration au sein de la SNETP dans le domaine de l'innovation ? Quels sont les sujets de réflexion/de recherche en commun ?

Comme je l'évoquais, la collaboration au sein de la SNETP commence par la possibilité de profiter d'un réseau international pour constituer des équipes de recherche complètes et complémentaires sur différents sujets, en travaillant par projet sur une problématique précise et concrète. Les principaux axes sont la sûreté nucléaire, la mise au point des futurs réacteurs, leur hybridation pour la cogénération ou la production de radio-isotopes pour le domaine médical ou encore la production d'hydrogène. Je pourrais citer aussi toutes les innovations concernant les matériaux métalliques, les bétons, les combustibles nucléaires, ou les innovations numériques auxquelles nous faisons de plus en plus appel comme l'intelligence artificielle, la gestion des données, la réalité virtuelle,...

 

Pourriez-vous nous citer quelques réalisations issues de ce travail en commun ?

Nous lançons chaque année une dizaine de projets, rassemblant de 7 à 52 partenaires. Citons, par exemple, la réaction conjointe que nous avons eue à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima : au sein de la SNETP, nous avons tous travaillé ensemble pour augmenter la résistance intrinsèque des centrales en cas de séisme équivalent. Les chercheurs ont alors proposé un ensemble de « stress tests », d'analyses, de modifications possibles pour augmenter la résilience des centrales. Bien que les autorités de sûreté soient des entités nationales, propres à chaque pays, cela a permis un partage des connaissances scientifiques et techniques à l'échelle internationale pour « aller dans le bon sens », y compris réglementairement. Un autre projet international, qui vient de s'achever, a permis de mettre au point un outil de prédiction de la durée de vie des câbles électriques présents dans les centrales. Ceux-ci sont soumis à une irradiation et à des températures élevées. Ensemble, à 15 partenaires, nous avons mis au point une série de tests, microscopiques et macroscopiques, et de modèles mathématiques pour savoir où en est la « santé » d'un câble et à quelle échéance il y a lieu d'intervenir pour le changer. Au-delà de la filière nucléaire, cette innovation est applicable à d'autres domaines industriels. Nous travaillons également beaucoup en commun sur le sujet du démantèlement des centrales, qui fait appel à des innovations en visualisation, en simulation physique et mathématique, en intelligence artificielle,... De nombreux pays ont des expériences sur ce sujet, qu'il est intéressant de partager pour avancer plus rapidement et améliorer les pratiques.