D’après le cabinet McKinsey, l’hydrogène représentera près d’un cinquième de la demande énergétique mondiale en 2050. Mais pour faire de ce gaz un allié de la transition énergétique, il faut d’abord le décarboner et en démocratiser les usages. Deux directions que le Gouvernement français encourage à travers sa stratégie nationale. Aux territoires de s’en emparer ! Car c’est à leur échelle que l’hydrogène exprimera tout son potentiel de création de valeur et d’emplois.
Aux territoires souhaitant accélérer leur décarbonation, l’hydrogène présente des arguments de poids. Adapté à une grande diversité d’usages dans les domaines des transports, de l’industrie et du chauffage urbain, il peut aussi servir à stocker l’électricité provenant des sources renouvelables. Sa teneur en énergie a peu d’équivalents et, last but not least, sa combustion ne rejette que de l’eau…
En France, l’hydrogène est obtenu par électrolyse à l’aide d’électricité issue d’un mix énergétique largement décarboné (centrales nucléaires et énergies renouvelables). On parle ici d’hydrogène bas carbone. Mais l’hydrogène peut aussi être obtenu à l’aide d’électricité issue de sources 100 % renouvelables : il s’agit alors d’hydrogène vert. Dans les deux cas, son usage réduit les émissions de gaz à effet de serre.
Et les pouvoirs publics ne s’y trompent pas : après la Commission européenne, qui a publié sa stratégie hydrogène en juillet 2020, l’Hexagone accélère ses investissements. La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France prévoit 7 milliards d’euros d’investissement d’ici à 2030, dont 2 milliards d’euros au titre du plan France Relance. Trois objectifs sont recherchés : l’installation de 6,5 GW d’électrolyseurs, la conversion de véhicules lourds (utilitaires, poids lourds, camions poubelles…) pour économiser plus de 6 millions de tonnes de CO2, et la création de 50 000 à 150 000 emplois.
« Les technologies de l’hydrogène représentent une opportunité de concrétiser la transition écologique, à condition de créer une filière dédiée en s’appuyant sur des écosystèmes industriels territoriaux », observe Benoît Fournaud, délégué France Hydrogène Nouvelle-Aquitaine. « Plusieurs pays comme l’Allemagne, le Japon et les États-Unis ont mis en place des programmes consacrés au développement de l’hydrogène. Prendre le train en marche est vital pour notre pays. »
On s’attend à ce que les coûts de l’hydrogène baissent de 50 % d’ici à 2030, ce qui le rendra tout aussi intéressant que les autres alternatives bas carbone.
Hydrogène décarboné : former un écosystème de pointe
Grâce à son parc de production d’électricité faiblement émetteur de CO2, la France dispose d’atouts pour produire l’hydrogène décarboné à l’échelle industrielle. Reste à structurer la chaîne de valeur : grands groupes industriels, PME-PMI et start-up innovantes soutenues par des laboratoires et centres de recherche d’excellence, associations, pôles de compétitivité et collectivités territoriales… Tous sont mobilisés pour le déploiement de solutions hydrogène ! « Nous sommes à un moment charnière où le besoin majeur est de massifier ces solutions tant en taille qu’en nombre. De 40 stations de recharge hydrogène aujourd’hui, nous devons passer à plus de 1 000 en 2030 », souligne Benoît Fournaud. Un changement d’échelle qui implique une synergie au niveau des territoires pour mutualiser les moyens et fédérer les acteurs autour de projets structurants.
Ce cocktail de compétences est à l’œuvre depuis 2017 à La Réunion, où la start-up Powidian, en lien avec EDF SEI (Systèmes Energétiques Insulaires), a déployé une technologie de batterie à hydrogène offrant une capacité de stockage de très longue durée. Au cœur du cirque de Mafate, 300 familles vivaient sans réseau électrique et devaient notamment faire appel à des générateurs diesel coûteux et polluants. « Nous avons proposé de coupler notre solution avec des panneaux solaires pour alimenter trois bâtiments communautaires. Avec ce microréseau, les habitants bénéficient d’un accès continu à une électricité d’origine renouvelable », explique Jean-Marie Bourgeais, président fondateur de Powidian. Et, grâce au recours à l’hydrogène comme vecteur de stockage, l’intermittence de l’énergie solaire n’est plus un problème : la fourniture n’a connu aucune rupture depuis le démarrage de l’installation !
H2 : l’agglomération d’Auxerre voit les choses en grand
Si l’hydrogène a fait la preuve de son efficacité pour alimenter un site isolé comme celui de Mafate, son champ d’utilisation ne s’arrête pas là. Il suffit, pour le comprendre, de se pencher sur le projet de la communauté d’agglomération de l’Auxerrois, qui rassemble 29 communes et 72 000 habitants. L’ambition affichée du territoire est d’utiliser l’hydrogène pour décarboner son réseau de transport. Ainsi, une station de production et de distribution d’hydrogène vert de 1MW, construite et exploitée par Hynamics, sera mise en service en septembre prochain. Celle-ci alimentera cinq bus à hydrogène, exploités par l’opérateur Transdev sur le réseau de transport urbain, et d’autres véhicules utilitaires. Gain estimé pour le territoire : 2 200 tonnes d’émissions de CO2. À terme, les capacités de la station seront étendues pour répondre à l’émergence et au développement de nouveaux usages : trois TER en service en 2025-2026, véhicules utilitaires, camions, bateaux, etc. Ce projet d’envergure vise désormais la création d’un véritable écosystème hydrogène répondant aux enjeux du plan air-climat-énergie et fédérant un grand nombre d’acteurs de la mobilité et de l’industrie. Le développement de nouveaux véhicules à hydrogène, la mise en place de cursus de formation autour de ce vecteur énergétique, la promotion de chaudières à hydrogène dans le cadre des travaux de rénovation menés par les bailleurs sociaux font aussi partie des pistes suivies.
Feu vert pour tester de nouveaux usages industriels de l’hydrogène
En Allemagne, également, l’idée d’une économie régionale de l’hydrogène a pris corps. C’est dans cette perspective que sera construit à Hemmingstedt, près de Heide, un électrolyseur de 30 MW alimenté par de l’électricité d’origine renouvelable, notamment éolienne offshore. Le projet, appelé Westküste100, s’appuie sur un financement du ministère fédéral de l’économie et de l’énergie. Sa particularité est de s’intégrer à différents niveaux dans l’infrastructure régionale. L’hydrogène vert sera utilisé dans le processus de la raffinerie, en substitution de l’hydrogène gris obtenu à partir des énergies fossiles. Une partie de la production de l’électrolyseur rejoindra le réseau de distribution de gaz naturel de Heide. D’ici à 2030, les dix partenaires réunis au sein du consortium Westküste100 (dont Hynamics Deutschland) prévoient de construire une usine de 700 MW en valorisant l’oxygène issu du processus d’électrolyse. L’un des objectifs est de tester la décarbonation de process industriels à grande échelle…
L’Allemagne s’est donné pour objectif de devenir le numéro un mondial de l’hydrogène. Un projet comme Westküste100 peut l’aider à se positionner de manière rapide et efficace.