Interview de Frédéric Santamaria, maître de conférences en aménagement de l'espace et urbanisme à l'université Paris Diderot.

De quels leviers les villes moyennes peuvent-elles s’emparer pour se donner un nouvel élan ? 

Un point essentiel me semble la capacité à animer le territoire local. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, l’apparition des communautés d’agglomération a donné un cadre d’action pour organiser l’intercommunalité, notamment celle des villes moyennes. C’est un outil efficace à condition que le système de gouvernance locale fonctionne et que les acteurs, ceux de la commune centre et ceux des communes alentour, s’entendent sur les principes d’aménagement de leur territoire, afin, notamment, d’éviter les phénomènes de concurrence territoriale pour l’attraction d’activités économiques. À titre d’exemple, les élus de Roanne se sont entendus avec les élus des autres communes proches pour réguler, au travers de leur document d’urbanisme commun (SCoT), les implantations commerciales en périphérie.

Face à la montée en puissance des métropoles, les villes moyennes n’auraient-elles pas intérêt à coopérer entre elles ?

Faire mieux en faisant ensemble : dans les années 1990, cette idée a inspiré la politique dite des « réseaux de villes » qui avait pour vocation d’instaurer un esprit de coopération et de mutualisation des ressources entre les villes moyennes géographiquement proches. Cependant, la coopération peut se penser également dans les rapports entre les villes moyennes et les métropoles proches, notamment pour réfléchir aux coopérations économiques possibles. Dans cette perspective, les villes moyennes peuvent proposer un foncier moins cher et plus facilement disponible pour des activités en lien avec celles présentes au niveau métropolitain ou moins développées à ce niveau-là. Par exemple, la ville de Saint-Omer, en ouvrant un fablab, lieu équipé en technologies de pointe, donne à l’aire d’influence de Lille de nouvelles capacités dans le domaine des nouvelles technologies.

Quels sont les exemples de résilience portés par les villes moyennes, selon vous ? 

Dans tous les cas que j’ai pu observer, la réussite dépend de la mise en place d’un système local d’acteurs et de son animation autour d’un projet de développement. Je pense à la ville d’Albi, où la redynamisation du centreville est passée par la mise en valeur du patrimoine architectural associée à des opérations de réaménagement urbain et d’amélioration de l’espace public en lien avec les commerçants. À la clé, une image revalorisée, une séduction touristique renforcée et un retour des commerces dans le centre. Il est à noter que les acteurs locaux peuvent s’appuyer sur un secteur d’activité hérité et renouvelé par l’innovation – comme à Vitré avec l’agroalimentaire – ou créé, à l’image d’Annecy et de son développement dans la filière technologique et digitale.

Quel regard portez-vous sur le programme gouvernemental Action coeur de ville ?

Les 222 villes sélectionnées ne sont pas toutes dans la même situation. Sur le plan démographique, en particulier, certaines sont en croissance et d’autres non. Ces différences posent la question du ciblage des moyens financiers sur des  actions en rapport avec les problématiques spécifiques de chacune des villes. À titre d’exemple, les projets de construction de nouveaux logements là où les taux de vacance sont élevés risquent de distendre un peu plus le marché immobilier et de faire tomber la valeur des actifs détenus par les résidents… Pour éviter ce type d’écueil, la priorité est d’avoir une approche fine des contextes locaux, et de bien réfléchir à l’aménagement urbain et à l’utilisation des espaces  libres dans une perspective de moyen terme.