Passer au crible les prises de parole des élus de différentes régions pour comprendre leur appropriation de la transition énergétique et de ses enjeux : c’est l’approche déployée par Benoît Boutaud, chercheur en sciences humaines et sociales à l’European Institute for Energy Research (EIFER).

Vous avez analysé des discours d’élus sur la transition énergétique. Pourquoi ?

Benoît Boutaud - On entend beaucoup parler de transition énergétique ou écologique, mais les mots qui s’y rapportent véhiculent des représentations diverses qui nécessitent d’être décryptées. S’agissant des élus, la question revêt un intérêt particulier car leurs responsabilités en matière d’énergie sont de plus en plus importantes.

Étudier leurs discours est un moyen de cerner ce qu’ils expriment réellement pour pouvoir ensuite nourrir la recherche de solutions adaptées à chaque territoire. Avec Ferenc Fodor, linguiste et sémiologue R&D d’EDF, nous avons analysé un corpus composé d’une centaine d’unités de discours concernant trois régions et cinq grandes villes pour chacune. Et nous avons pris en compte les termes « transition énergétique/écologique », « décarbonation », « économie circulaire », « autonomie » et « résilience ».

Quels sont les principaux enseignements de votre étude ?

Benoît Boutaud - Son intérêt est d’analyser les termes dans leur contexte et d’apporter des éléments quantifiés. On remarque aussi que les élus ont tendance à relier l’énergie à des problématiques comme le développement économique, l’aménagement du territoire, la justice sociale ou la précarité. Certaines spécificités régionales se manifestent néanmoins. En AURA, les discours mettent en avant l’innovation, avec les notions de smart city, « réseaux » et « technologie(s) ». Dans les Hauts-de-France, ils insistent davantage sur le social, comme le montre la fréquence d’utilisation de « participatif », « inclusif », « famille » et, pour l’énergie, de tout ce qui est « zéro » (« carbone » ou « déchet »). Enfin, les élus d’Occitanie se réfèrent beaucoup aux énergies renouvelables et aux thèmes reliés à l’économie circulaire (« biodéchets », « valoriser », « collecte »). On voit donc que chaque élu personnalise l’emploi des différentes notions en fonction de ses engagements et des enjeux de son territoire.

Quelle suite envisagez-vous ?

Benoît Boutaud - Nous poursuivons nos travaux en prenant en compte de nouveaux paramètres comme l’existence de divergences entre les discours des élus ruraux et urbains. Un ouvrage pour présenter les résultats de ces investigations est en préparation. Il mobilisera des spécialistes des questions sémantiques autour de l’énergie. Dans ce domaine, de nombreuses notions sont apparues récemment et d’autres ont changé de sens : vu l’importance de la communication aujourd’hui, il y a un intérêt scientifique évident à s’y intéresser !