Psychiatre, membre de l’Académie des technologies, Serge Tisseron a beaucoup travaillé et écrit sur la résilience (1). Il livre ses réflexions sur les interprétations possibles et sur l’exploitation de cette notion.
Qu'est-ce que la résilience ?
Serge Tisseron - Depuis les travaux d’Emmy Werner dans les années 80, le mot a reçu quatre définitions scientifiques qui coexistent encore. Il a d’abord désigné un trait de personnalité, acquis génétiquement ou en lien avec une « niche affective » précoce, puis un processus par lequel chacun peut devenir résilient, puis une force intérieure caractéristique du vivant. Enfin, dans les années 2010, il a été pensé dans une dimension collective de « corésilience », et plus seulement de façon individuelle ou duelle. Mais le mot est aussi utilisé par des politiques pour minorer les disparités, « chacun pouvant s’en sortir en cultivant sa résilience ».
Comment la notion s’applique-t-elle à un territoire ?
Serge Tisseron - Les Nations unies, dans leur campagne mondiale 2010-2011, la définissent ainsi : « La capacité d’un système, d’une communauté ou d’une société, de résister, d’absorber et de corriger les effets d’un danger, et de s’en accommoder, en temps opportun et de manière efficace, notamment par la préservation et la restauration de ses structures essentielles et de ses fonctions de base ». Elle passe donc par quatre étapes : se préparer, résister, reconstruire, et enfin résorber les effets d’une catastrophe, notamment psychologiques. Un territoire résilient est capable d’anticiper des perturbations et d’en minimiser les conséquences grâce à la veille et à la prospective. Pour cela, la qualité de la gouvernance territoriale me semble décisive. Je pense notamment à la convergence entre les échelles de pouvoir, la mobilisation de l’intelligence collective et la coopération avec les territoires voisins.
De quelles mutations la crise actuelle est-elle porteuse ?
Serge Tisseron - Plusieurs évolutions positives semblent émerger comme la généralisation d’un télétravail partiel, la revalorisation des métiers socialement indispensables et, surtout, la conscience croissante de l’urgence climatique. Mais il y a trois défis à relever : l’isolement croissant induit par le télétravail, l’exploitation par les démagogues de la colère née de l’injustice sociale et la dégradation de la situation des pays du Sud.
Cet article est extrait du premier magazine Energie des territoires (Télécharger le magazine).
(1) La Résilience, Paris, Édition PUF, 2007, coll. « Que sais-je ? », 7 e édition.