Maîtriser le risque nosocomial pour les grands brûlés - La modélisation des écoulements d'air en structure hospitalière
« Avec le soutien de la Fondation, la R&D d’EDF nous a apporté l’expertise dans la compréhension des écoulements de l’air par la modélisation, expertise que nous avons nourrie de notre savoir-faire en matière de traitement de la brûlure. Il ne suffit pas de juxtaposer les savoirs, il faut aussi s’enrichir mutuellement et c’est ce que nous avons fait ! »
Tout part d'un constat : pour le grand brûlé, le risque de contamination par l'air est majeur et souvent mortel
Le brûlé est un patient très difficile à traiter avec un risque infectieux majeur ; le soigner ce n’est pas seulement lui administrer des antibiotiques mais aussi réfléchir à son environnement, l’air étant l’un des vecteurs de propagation des bactéries et autres agents infectieux. Les germes, transportés par les flux aériens se déposent sur divers types de surfaces et sur les personnes.
Gérer le risque infectieux d’un grand brûlé c’est donc en partie contrôler l’air qui circule dans son environnement. Pour cela, il faut rendre visible l’invisible, c’est-à-dire modéliser les flux d’air dans les chambres, les sas et les couloirs, afin de les visualiser, de les comprendre, de pouvoir anticiper les situations à risque et enfin concevoir des structures et des comportements permettant de maîtriser le risque de contamination aéroportée.
L'apport de la R&D d'EDF : la modélisation numérique et l'expertise aéraulique
En amont de la conception des structures du nouveau centre de l’hôpital Saint-Louis, dès 2004, la R&D d’EDF est devenue partenaire de recherche de l’équipe du professeur Maurice Mimoun :
« Pour concevoir les nouvelles chambres pour grands brûlés de ce centre, explique-t-il, nous nous sommes intéressés aux mouvements des particules transportées par l’air. Car, parmi elles, se trouvent des micro-organismes qui peuvent contaminer le brûlé particulièrement fragile et très sensible à la contamination aéroportée. Comprendre comment ils se déplacent au sein d’une pièce, voire d’une pièce à l’autre, a permis de concevoir des chambres minimisant les risques de contamination par l’air. Tandis que nous concevions ces chambres très modernes, il nous a paru impensable de continuer à raisonner avec des papiers et des crayons. En réalité, il nous fallait des ordinateurs et un logiciel adéquat pour modéliser les phénomènes et les étudier ».
La R&D d’EDF a développé depuis 40 ans de fortes compétences dans le domaine de la modélisation numérique des écoulements d’air au service notamment de ses centrales nucléaires.
Une synergie fructueuse
Dans le cadre du mécénat de compétences scientifiques, Christian Beauchêne, ingénieur-chercheur, expert en aéraulique au sein de la R&D d’EDF, a participé au projet mettant au service de l’équipe en charge de la conception du nouveau centre, des technologies spécifiques et ses compétences. La modélisation des écoulements d’air s’appuie sur un code de calcul de CFD (Computational Fluid Dynamics) - le Code Saturne - développé depuis plus de trente ans pour répondre aux besoins des industries d’EDF, principalement nucléaires.
Le mécénat de compétences ne se réduit pas à un simple transfert de technologies : il se fonde sur des échanges, entre des savoirs et des savoir-faire de milieux très différents. Ces rapprochements contribuent à l’avancée des projets et à la mise en adéquation entre des outils très performants et des besoins spécifiques pour lesquels ils n’ont pas été conçus.
« Nous nous sommes aperçus qu’en installant une personne ou un équipement supplémentaire dans la pièce, précise le professeur Mimoun, cela modifiait complètement les flux d’air et donc créait des mouvements de particules potentiellement contaminantes. Nous avons en particulier identifié, avec les chercheurs d’EDF, l’influence de la température sur ce risque. »
Un plafond soufflant pour sauver des vies
Ouvert en 2012 sous la direction du professeur Maurice Mimoun, le CTB (Centre de traitement des grands brûlés) de l’hôpital Saint-Louis à Paris, a été pensé selon un concept novateur : le « presque tout dans la chambre » pour permettre au patient de ne pas changer d’environnement pendant la phase aigüe de la brûlure, afin de limiter les risques de contamination. Cela impose que l’équipement nécessaire aux traitements se trouve aux côtés du patient dans une structure décontaminée au maximum qui est à la fois une chambre, une salle de réanimation, une salle d’intervention chirurgicale, de soins voire de balnéothérapie. Chaque chambre n’héberge qu’un seul patient et est dotée d’un plafond soufflant. La mise au point de cette barrière de protection a été le premier résultat de l’engagement d’EDF au service des grands brûlés.
Le plafond soufflant a contribué notamment au succès de la première mondiale réalisée dans une des nouvelles structures : sauver un brûlé à 95% en réalisant une greffe totale de peau.
Pietro BERARDARA, directeur du CEREA
Photo : Hôpital Saint-Louis
La poursuite du projet : les portes soufflantes
Au regard de ces résultats, le professeur Maurice Mimoun a poursuivi sa réflexion afin d’améliorer encore la prise en charge des grands brûlés en imaginant des rideaux d’air pour remplacer les portes à battant. Le concept totalement inédit de « porte soufflante » permettrait de réduire les risques de contaminations (notamment les risques d’infections manu-portées par les poignées de portes) et de s’affranchir des difficultés communes aux secteurs des brûlés et aux secteurs de soins intensifs. L’objectif est de renforcer les barrières de protection tout en assurant au patient la proximité permanente du personnel soignant.
En juin 2018, dans le cadre d’un mécénat de compétences, un nouveau projet* (projet est conduit en partenariat avec l’École Nationale des Ponts Paris Tech dans le cadre du CEREA) a été initié avec la Fondation groupe EDF pour valider le concept des portes soufflantes appelées à remplacer les portes existantes. Les études conduites par le CEREA (Centre d'Enseignement et de Recherche Environnement Atmosphérique - laboratoire commun entre L’École des Ponts ParisTech et la R&D d'EDF) et le département MFEE (Mécanique des Fluides Énergies et Environnement) de la R&D d'EDF visent, grâce à la modélisation numérique et l’expertise aéraulique, à dimensionner le rideau d’air et anticiper son fonctionnement dans la structure d’ensemble : chambre/sas/couloir.
Ce concept devra cependant faire l’objet de plusieurs études allant de la définition du type de soufflage jusqu’à son intégration dans les sas en lieu et place des portes existantes. Au même titre que pour la contribution au succès du plafond soufflant, les chercheurs d’EDF auront l’opportunité de développer des compétences dans le domaine de la compréhension des contaminants et polluants transportés par l’air. Ces compétences sont aujourd’hui de plus en plus sollicitées par plusieurs métiers et filiales de l’entreprise, notamment dans le domaine de la qualité de l’air.
Pour en savoir plus : télécharger le dossier de presse