Les essais de démarrage de l’EPR de Flamanville nécessitent la venue sur site de métiers particuliers, dont les neutroniciens font partie. Portraits de Bastien, neutronicien à la Direction technique d’EDF (DT), et Vincent, neutronicien chez Framatome, qui travaillent de concert.
Deux entités, deux points de vue sur la divergence. Bastien a commencé son aventure neutronique professionnelle par son alternance à la DT. Déjà intéressé en école, Bastien s’est rapidement spécialisé dans le nucléaire. Il est embauché depuis octobre 2021, comme ingénieur d’études neutroniques, dans la continuité de son alternance.
De son côté, Vincent a également fait une école d’ingénieur et a poursuivi par une thèse en physique des particules. À la fin de son cursus et comme quelques-uns de ses collègues, Vincent s’est réorienté dans le monde de l’entreprise en intégrant Framatome (dépendant d’Areva à l’époque) pour rester dans le domaine de la physique fondamentale.
Tous deux neutroniciens, ils se retrouveront à l’EPR quelques jours avant la divergence et se recroiseront jusqu’aux 100% de puissance neutronique. Mais concrètement, sur quoi travaillent-ils ?
Sur le pont à un moment symbolique
La divergence correspond au début de la réaction nucléaire dans la cuve du réacteur, et le début du premier cycle du combustible. « Le travail d’un neutronicien se concentre à l’intérieur de la cuve. Il étudie le comportement du cœur en fonctionnement normal, accidentel, pour le pilotage et le dimensionnement des seuils de protection neutroniques, ainsi que les essais physiques », explique Bastien. « Concernant les essais physiques du cœur, c’est d’abord préparer la documentation relative aux procédures d’essais et développer des outils d’aide à la réalisation de ces essais », continue Vincent. Ces procédures sont déroulées lors des séquences d’essais, main dans la main avec les essayeurs et le service conduite du réacteur. Bastien explique : « une fois sur site, on vient prendre des mesures avant, pendant et après la divergence. On vient vérifier avec un réactimètre que le cœur du réacteur se comporte comme dans nos calculs théoriques, et donc que les modèles numériques modélisent bien la neutronique du cœur ». En bref, que tout se passe bien dans le cœur et que le réacteur fonctionne en toute sûreté.
Lors de la divergence, les 5 équipes de 4 neutroniciens Framatome seront en 3x8 en salle de commande, directement en lien avec la conduite. « Nous réaliserons les essais, mais sous la responsabilité de la conduite qui garde le réacteur en toute sécurité et toute sûreté. Nous observerons en temps réel les résultats de ces essais sur le flux neutronique et la réactivité du cœur. » Vincent et les neutroniciens de son équipe compareront ensuite les résultats observés avec les résultats attendus. Ils bénéficient déjà d’un REX solide en comptabilisant les démarrages des réacteurs EPR de Taishan (Chine) et Olkiluoto (Finlande).
De son côté, Bastien et les neutroniciens de la DT vont appuyer les ingénieurs de permanence (IP) pour la surveillance des essais physiques réalisés par Framatome. Ils vont vérifier les conditions de réalisation de ces essais et récupérer des données pour effectuer les analyses de second niveau. Celles-ci permettront de s'assurer que les mesures sont conformes aux calculs théoriques. « Sur les démarrages des précédents EPR, en travaillant avec Framatome, nous avons collecté du retour d’expérience qui nous a permis d'améliorer notre modèle neutronique et nos calculs théoriques. Cela permet de réduire les écarts calculs / mesures qui font l’objet de critères de sûreté. »
Neutronicien, un métier particulier
« Être neutronicien lors du démarrage d’un réacteur, c’est vivre une aventure humaine et technique passionnante : après une longue phase de préparation des procédures et des outils, nous pouvons enfin dérouler ces essais dans les conditions du service conduite en 3x8, partageant ainsi avec nos collègues d’une manière inhabituelle et très enrichissante. Les moments que nous vivons sont forts, nous avons fêté Noël 2021 en salle de commande à Olkiluoto par exemple ! » Vincent raconte.
« Être neutronicien lors du démarrage d’un réacteur, c’est la chance de vivre des moments tant attendus dans l’aventure de l’EPR. Ce que j’aime le plus dans cette expérience, c’est de pouvoir être là où tout se passe, au cœur du réacteur ! » témoigne Bastien.
Les neutroniciens auront une première phase d’essais à puissance nulle pendant une quinzaine de jours (au moment de la divergence), puis pendant toute la phase de montée en puissance en paliers. Bastien et Vincent reviendront donc plusieurs fois à l’EPR jusqu’à l’atteinte des 100% de puissance neutronique.