Nicolas Brunn, issu de la DSEF (Direction Sourcing, Economie, Finance), et Manon Vigoureux, de la Direction Commerce AuRA (Auvergne-Rhône-Alpes), portent conjointement le projet Neutre.eco. En septembre 2024, ils ont franchi une étape cruciale en entrant dans la phase TEST du programme intrepreneurial EDF Pulse Incubation. Cette troisième phase est déterminante pour la validation de leur concept en conditions réelles. Ils nous expliquent les grands défis à relever dans les prochains mois pour continuer au sein d’EDF Pulse Incubation et atteindre la dernière phase, la phase LAUNCH.
Pouvez-vous revenir sur le projet de Neutre.eco ?
Nicolas - Neutre.eco est une plateforme dédiée à l’évaluation environnementale des produits, offrant trois principaux cas d’utilisation. L’évaluation des produits achetés, qui donne la possibilité aux acheteurs de scorer les produits déjà acquis, fournissant ainsi une vision détaillée de l’impact environnemental de leurs achats. La comparaison des offres fournisseurs, qui permet aux acheteurs, lors de la préparation d’un appel d’offres, de comparer les réponses des fournisseurs en termes de score environnemental. Et pour finir, l’auto-évaluation par les fournisseurs, permettant aux fournisseurs eux-mêmes d’évaluer leurs produits dans l’optique de valoriser leur performance environnementale.
Quels enseignements tirez-vous de la phase MATCH ?
Nicolas - La phase MATCH nous a permis d'affiner notre proposition de valeur grâce à des retours clients détaillés. Ces retours ont mis en lumière leur besoin de noter sur le plan environnemental certains produits qu'ils achètent et de sensibiliser une partie de leurs fournisseurs sur ces enjeux. Parallèlement, nous avons affiné notre stratégie de mise sur le marché, notamment en établissant des partenariats avec des plateformes. Ces interactions avec le marché ont enrichi notre business plan. Le marché de la notation environnementale reste évalué à plus de 500 millions d'euros, comme nous l'avions analysé précédemment. Cependant notre approche pour l'aborder a été beaucoup plus approfondie.
Manon – Dans cette phase MATCH on devait dérisquer au maximum le projet. Évoluant dans un marché émergent de la notation environnementale, avec des acteurs historiques de la décarbonation déjà présents mais dont les propositions de valeur ne répondent pas aux futures réglementations sur l’affichage environnemental, nous avons affiné notre compréhension de la concurrence, de ses mouvements et des moteurs de la demande. Cela nous a permis de développer une stratégie produit adaptée à cette dynamique. Nous avons également identifié les hypothèses clés de notre business (tarification, stratégie de mise sur le marché, coûts informatiques et expertises) qui devront être validées dans les prochaines phases. L’accompagnement précieux de l’incubateur tout au long de cette phase nous a permis d’atteindre nos objectifs et de nous préparer à de nouveaux défis.
Vous venez d’intégrer la phase TEST, quels sont vos grands objectifs et enjeux pour les prochains mois ?
Manon - Nous faisons face à de nombreux défis en entrant dans cette nouvelle phase, mais l’un des plus cruciaux concerne notre cible fournisseur. Actuellement, notre offre est bien développée pour les acheteurs, mais nous devons encore affiner notre proposition pour les fournisseurs. Pour les acheteurs, nous devons confirmer l’intérêt des directions achats des ETI (entreprises de taille intermédiaire) et des grands groupes privés non industriels pour une offre de notation environnementale au niveau des produits. Les grands groupes industriels et le secteur public sont souvent en avance sur les démarches RSE, et nous devons vérifier que leurs initiatives se diffuseront bien à l’ensemble des secteurs.
Nicolas - Cette nouvelle phase est particulièrement stimulante car elle nous permet de développer un produit industriel, de signer des clients acheteurs et d'approfondir les besoins des fournisseurs. En revanche, ce qui relie les besoins des fournisseurs à ceux des acheteurs, c'est la technologie. A travers nos entretiens, nous constatons qu'il s'agit des deux faces d'une même pièce.
Manon - De plus, nous avons un enjeu majeur concernant la rapidité de notre mise sur le marché. Dans le cadre de son Pacte Vert, l’Europe a voté le règlement sur l’écoconception pour des produits durables. Ce règlement va se décliner en un passeport numérique des produits (DPP) retraçant en particulier les incidences environnementales des produits. Son entrée en vigueur est prévue de façon progressive à compter de 2027. Notre objectif est de lancer notre produit auprès des fournisseurs avant cette date. En 2027, la concurrence sera déjà organisée pour répondre à ce besoin, il est donc crucial de construire notre image de marque avant.
Que pensez-vous de votre expérience au sein d’EDF Pulse Incubation pour le moment ?
Nicolas – Personnellement, cette expérience me permet de grandir et d’acquérir des réflexes, car nous sommes sans cesse confrontés au terrain et à des éléments extérieurs : il faut vendre une possibilité de solution. C’est un super exercice d’intrapreneuriat. Nous sommes à la frontière entre développer une solution et la vendre. L’incubateur offre une zone de liberté incroyable et un très large éventail d'actions : nous ne sommes pas un rouage dans une chaine plus vaste, comme c'est souvent le cas à EDF, mais nous construisons la chaine petit à petit, en étant tous les rouages à la fois.
Manon - Quand on est entrepreneur, il faut être polyvalent. Dans notre cas chacun apporte ses expériences, mais finalement on est obligé de monter en compétence sur la totalité des sujets : marketing, SI, finance, commercial, juridique… Cette expérience m’a permis de découvrir la dimension financière et juridique des projets que je ne connaissais pas du tout auparavant.
Comment s'est passé le Board des investisseurs, qui a décidé que Neutre.eco pouvait poursuivre sa route en phase TEST ?
Nicolas - Un board des investisseurs dure 1h30 : 30 minutes de présentation de notre projet, 30 minutes de questions/réponses et 30 minutes de délibération en notre absence.
Manon - Ce board a été particulièrement stressant pour deux raisons. Premièrement, nous nous sommes retrouvés pour la première fois face à une dizaine de dirigeants d’EDF pour défendre un projet qui nous tient à cœur, ce qui est naturellement un peu stressant. Deuxièmement, nous sommes arrivés à un stade du projet où on passe d’une phase qui restait très scolaire, avec des cases à cocher, à une phase où nous devons adopter une mentalité de dirigeant et développer notre propre vision pour faire avancer ce business. J'ai vécu ce board comme une passation d’un environnement structuré comme la DIPP à une zone d’autonomie totale.