Connaissez-vous l'auteur ?

​​​​​​​Simon Quemin travaille à la R&D d'EDF, principalement sur les questions d’architecture et de régulation des marchés de l’électricité et du carbone. Dans le cadre de ses recherches, il est également affilié au Potsdam Institute for Climate Impact Research en Allemagne et au Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment (London School of Economics) au Royaume-Uni. Avec un ancien collègue de la R&D d’EDF et un professeur de l’Université Paris-Dauphine, il a publié début octobre 2022 un article scientifique dans la revue Energy Policy.

 
Publication dans la revue Energy Policy

​​​​​Why the sustainable provision of low-carbon electricity needs hybrid markets
Pourquoi la fourniture durable d'électricité à faible émission de carbone nécessite des marchés hybrides​​​​​​​

 

Dans quel cadre s'intègrent ces travaux ?

Ces travaux sont au cœur des études sur l’architecture de marché et les conditions du financement à long terme de la transition énergétique. Conduits en partenariat avec des laboratoires universitaires, le rayonnement de ces travaux auprès des sphères académiques ou institutionnelles est assuré par leur publication ou leur présentation en conférences. Cet article publié dans Energy Policy est le fruit d’un partenariat avec la Chaire European Electricity Market de l’Université de Paris-Dauphine qui a par ailleurs donné lieu à une conférence internationale en juin 2021. Ces travaux, engagés depuis plusieurs années, permettent d’alimenter les débats actuels sur la réforme structurelle des marchés de l’électricité en France et en Europe. Ils ont en particulier permis d’asseoir le concept de « marché hybride » dorénavant explicitement présent dans ces débats.

D’autres travaux de recherche sont en cours sur des sujets connexes peuvent également être consultés :

 

Publication

En Europe, le modèle cible et normatif de l’organisation des marchés de l’électricité repose sur un design dit ‘energy-only’ qui s’inscrit dans la droite ligne du paradigme de libre concurrence : le prix de marché se forme sur la base du coût marginal de production de court terme qui permet de satisfaire un niveau de demande donné à chaque pas de temps, et la rémunération des producteurs ne se fait qu’au travers des revenus tirés des marchés de l’énergie. En théorie, le signal prix se formant sur les marchés de gros de court terme permet à la fois une allocation optimale des ressources à court terme (c’est-à-dire le dispatch des actifs existants) mais aussi de gérer le mix électrique de production et son évolution dans le temps (les décisions d’investissement et de déclassement étant guidées par les anticipations de prix de gros futurs), tout en donnant les bonnes incitations aux clients pour le développement des usages de l’électricité.

Si le marché energy-only a démontré sa capacité à gérer efficacement le dispatch des actifs à court terme, avec le recul ont commencé à émerger des interrogations sur l’efficacité de ce design à orienter efficacement la dynamique des investissements sur le long terme. Depuis quelques années, ce constat sur les ‘problèmes’ du design actuel est de plus en plus partagé par les économistes de l’énergie, même si les divergences persistent quant aux ‘solutions’. Ces interrogations sont depuis quelques mois au cœur de l’actualité, dans le contexte de la crise énergétique et dans le cadre de la transition énergétique et décarbonation profonde de nos systèmes énergétiques.

On peut résumer les apports et contributions de l’article en trois volets. Premièrement, l’article propose un diagnostic exhaustif, documenté et pédagogique des différentes limites et défaillances d’un design energy-only et du cadre de régulation actuel (marché energy-only + quelques rustines ad-hoc) sur la base d’une revue de la littérature académique. Quatre problèmes inhérents et structurels au modèle cible sont mis en avant, en lien avec (1) les besoins et objectifs publics de sécurité d’approvisionnement, (2) l’orientation du mix de production visée par la politique énergétique et industrielle, (3) l’impossibilité de couvrir ses risques de long terme sur les marchés, ce qui augmente le coût des investissements et in fine de la production, et (4) le besoin de coordination dynamique des investissements entre acteurs et secteurs.

Dans un deuxième temps, l’article expose en quoi ces problèmes sont exacerbés dans le cadre de la transition énergétique en lien avec des besoins d’investissements massifs et rapides ainsi que des changements structurels du mix de production (vers des actifs décarbonés) et des distributions de prix marchés associés. Il en résulte en particulier un besoin accru de mettre en place un cadre de marché et réglementaire cohérent, dans lequel l’intégralité des actifs de production sont couverts par des régulations mieux agencées et coordonnées entre elles.

En ligne avec d’autres académiques de renom tels Paul Joskow (MIT) ou David Nebery (Cambridge), l’article décrit alors une évolution structurelle du design de marché vers un modèle dit « hybride » qui permettrait de résoudre les problèmes identifiés ci-dessus. Ce modèle garde comme base le marché de gros de court terme que l’on renforce et complète par un module contractuel à long terme s’appliquant à toutes les technologies et visant à un partage des risques industriels et commerciaux dans le cadre de la déclinaison des politiques énergétiques à long terme des différents États Membres. Ses trois éléments structurants sont (1) un découplage partiel entre signaux d’investissement de long terme et prix de court terme, (2) des contrats de long terme de nature régulée avec contrepartie publique mais alloués de façon concurrentielle, et (3) une part de planification pour permettre une plus grande pilotabilité du mix et coordination entre acteurs.

Enfin, l’article contextualise le concept de marchés hybrides dans une perspective historique et internationale. Remontant jusqu’aux travaux précurseurs de Marcel Boiteux dans les années 40-50, l’article montre que les marchés hybrides constituent une forme contemporaine et idoine de tarification au coût marginal de production de long terme. Une évolution vers des marchés hybrides permettrait un meilleur interfaçage et une extension à tous les actifs des instruments économiques aujourd’hui utilisés en complément du marché de gros de court terme. Ce cadre cohérent devrait permettre l’atteinte des cibles de décarbonation et de sécurité d’approvisionnement de façon coordonnée (notamment via une planification centralisée) et à moindre coût (notamment via une concurrence en deux temps, une concurrence pour le marché dans le module de long terme et une concurrence dans le marché dans le marché de court terme).

 

Co-auteurs de la publication

Simon Quemin a publié avec Jan Horst Keppler, Professeur à l’Université Paris-Dauphine, Chaire European Electricity Markets et Marcelo Saguan, Economiste à RTE depuis septembre 2022, et contributeur lors de son précédent poste à la R&D d'EDF.

Domaine de la publication : Architecture et régulation des marchés de l’électricité

La revue Energy Policy
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Energy Policy est une revue internationale à comité de lecture traitant des politiques énergétiques et de l'utilisation de l'énergie sous leurs aspects économiques, sociaux, de planification et environnementaux.

Impact Factor 2021-2022 : 7,576
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