Le spécialiste du Consumer Electronics Show de Las Vegas de la R&D d’EDF, David Menga, ingénieur-chercheur à EDF Lab Paris-Saclay, a été sollicité pour apporter son éclairage sur la dernière édition du CES à la revue LUX spécialiste de l'éclairage, des équipements connectés et des services associés.

 

Article publié dans le n°313 de la revue LUX, la revue de l’éclairage
 

Quelques éclairages sur le CES 2022

 

En janvier dernier, l’organisation de CES 2022 (Consumer Electronics Show) fut hybride : à la fois présentiel, toujours à Las Vegas, et sur Internet.

Sur le papier, cette édition fut en demi-teinte, avec 40 000 visiteurs au lieu des 170 000 de 2020 et moitié moins d’exposants. Pourtant, il paraît difficile de parler d’un CES au rabais, puisque les innovations qui structureront l’économie de notre décennie et des suivantes y étaient présentes en force. Notamment dans l’univers de l’éclairage dans lequel le protocole IP triomphe avec le protocole de communication Matter pour le Smart Home et Dali+ pour le Smart Building.
 

La santé, la biologie entrent dans l’univers de l’électronique grand public avec le discours d’ouverture de Robert Ford, PDG du laboratoire Abbott, leader mondial du diagnostic médical. La surveillance en continu de nos paramètres physiologiques se fond dans des objets connectés usuels comme la montre ou l’oreillette. Dans cette optique, la lumière s’est située au cœur des innovations proposées au CES, au-delà de sa fonction primaire d’éclairage, dans les secteurs de la santé, des communications et de la mobilité.

LA LUMIèRE AU SERVICE DE NOTRE SANTé

La société allemande Sengled, spécialiste de l’ampoule connectée, propose l’éclairage augmenté par des services de diagnostic santé, tirant parti de son ubiquité dans chaque domicile. Avec sa Smart Health Monitoring Light, le fabricant propose une ampoule connectée intégrant un radar intelligent capable de mesurer la température corporelle et le pouls des habitants. Chaque ampoule est connectée à ses voisines via le protocole Bluetooth Mesh. Chaque pièce peut ainsi être cartographiée, et les occupants géolocalisés. Si une situation inhabituelle survient, telle une chute, une alerte peut être lancée. Il est en outre possible de surveiller en continu la qualité du sommeil et de détecter des dysfonctionnements comme l’apnée du sommeil. Malheureusement, rien n’est encore dit sur la commercialisation du produit et l’exploitation des données.

En mode direct, la lumière sert à surveiller l’hypertension grâce à la technologie de la photopléthysmographie (PPG). Les dispositifs PPG émettent de la lumière à différentes longueurs d'onde et utilisent des capteurs optiques pour recueillir des données biométriques. Celles-ci peuvent inclure les changements de volume du flux sanguin artériel en fonction des variations de l'intensité de la lumière réfléchie.

Au CES 2022, la société helvétique Aktiia, a présenté un dispositif connecté de surveillance continue de la pression artérielle basé sur la PPG. Elle a annoncé que le dispositif sera testé à l’occasion d'une étude au Brigham and Women's Hospital (BWH) dans le cadre du programme d'hypertension à distance de l'hôpital. L’appareil est considéré comme un dispositif médical et bénéficie d’un marquage CE Class IIa se situe dans les normes de la plupart des brassards électroniques de mesure de la tension. L’analyse des données se fait au niveau du smartphone

Côté traitement, la société Curavi, propose une thérapie laser à domicile pour soulager le mal de dos sans médicament. Il s’agit de soulager son mal de dos de manière temporaire en seulement 30 minutes. La technologie laser non invasive de leur ceinture portable calmera rapidement les douleurs légères, les spasmes musculaires ou encore les douleurs inflammatoires.

 

LUMIÈRE UV-C : UNE PREMIÈRE MONDIALE
 

En 2022, crise sanitaire oblige, la technologie de désinfection UV-C, qui présente des dangers pour la peau, est plus que jamais présente au CES, et se déploie dans tous les espaces de vie. Au bureau, le fournisseur américain d’accessoires informatiques mobiles Targus a lancé sa lampe de désinfection LED UV-C. Certifié UL 962 en vertu de la norme de sécurité pour l’ameublement domestique et commercial, l’appareil de bureau s’allume et fonctionne pendant cinq minutes, toutes les heures, pour réduire les agents pathogènes sur une surface. De plus, il est doté d’une fonction d’arrêt automatique intégrée qui utilise des capteurs de mouvement pour déterminer s’il y a de l’activité dans la zone de nettoyage et reporte le nettoyage de cinq minutes si c’est le cas.

Une autre façon d’assurer la sécurité du dispositif est de l’intégrer dans un espace clos, comme un caisson de ventilation. Le système de stérilisation pour les cabines de bus et d’autocars Air Purifier, pour lequel l’équipementier automobile français Valeo a reçu un CES Innovation Award, fonctionne ainsi. Une fois en marche, le dispositif élimine, en un seul cycle de circulation d’air, plus de 95 % des virus, dont le Covid-19, ainsi que toutes bactéries ou moisissures présentes dans l’air circulant dans la cabine.

Quand on souhaite désinfecter en continu une surface occupée par des êtres humains comme des cinémas, salle de conférences ou supermarchés sans recourir à des circuits fermés de ventilation et à des cycles plus ou moins longs de renouvellement de l’air, il faut utiliser des UV-C lointains avec la longueur d’onde magique 222nm qui n’est pas nocive pour le corps humain, du fait de sa faible pénétration dans la peau.

La société californienne Ghenus Bio a proposé des lampes à UV-C lointains adaptés à diverses hauteurs de plafond. La gamme Sana 222, s’appuie sur la gamme de montures CounterAct de la société US Christie, est la première technologie UV Care222 développée par la société japonaise Ushio propriétaire de Christie, est la première technologie UV-C au monde dotée d’un filtre optique exclusif empêchant l’émission de longueurs d’onde UV-C  potentiellement  dangereuses (> 230 nm).

 

INTEROPÉRABILITÉ : MATTER S’IMPOSE
 

D’après Time Magazine, le standard open source Matter est « une des 100 inventions marquantes de l’année 2021 ». Ce protocole applicatif, au-dessus du protocole de communication IP, est vu comme « la pierre de rosette de la maison intelligente, en permettant l’interopérabilité entre tous les objets connectés Matter du domicile, quel que soit le fabricant ».Le CES a décerné à Matter un prix de l’innovation.

Le support des chinois Tuya Smart et Xiaomi, en complément des poids lourds de l’industrie comme Google, Samsung, Apple et Amazon et 200 autres acteurs, a entériné ce choix. Comme la Zigbee Alliance s’est transformée en Connectivity Standards Alliance et construit activement la technologie Matter, il ne reste plus sur le marché des standards applicatifs que Matter et Z-Wave, ce dernier étant soutenu par le fondeur Silicon Labs. Tous les autres fabricants de micro-contrôleurs, comme Texas Instruments, NXP, ST et Nordic ont présenté des produits « Matter ready », au-dessus de protocoles IP comme WiFi ou Thread. Soulignons, également, que Netatmo (groupe Legrand depuis 2018) a présenté un premier capteur de sécurité intelligent Matter tandis que Signify a choisi d’enrichir son système d’éclairage connecté Hue avec Matter.

Le protocole Thread, de l’IPV6 maillé au-dessus du protocole de transport IEEE 802.15.4, a connu un énorme succès en 2021, avec le ralliement d’Apple, Samsung et Amazon. Il se positionne ainsi clairement comme le standard IP de la maison intelligente, en remplacement de Zigbee et Z-Wave. Par ailleurs, une version open source, Openthread, soutenue par Google, permet de créer rapidement des produits au standard Thread. De plus, Matter utilise aussi le protocole Bluetooth Low Power pour la mise en service ou commissioning des objets connectés, permettant la réalisation de cette phase importante par des smartphones ou des tablettes. Comme les deux OS majeurs du marché de la mobilité, IOS et Android, vont intégrer di- rectement dans leur prochaine version Matter, il sera difficile à son concurrent de contester sa suprématie.

En outre, deux acteurs clefs de l’écosystème Z-wave, le fabricant de serrures connectées Schlage et le leader américain de l’éclairage connecté Cync, ex GE Lighting ont annoncé des produits « Matter ready ». La célèbre marque a présenté 11 nouvelles ampoules intelligentes, couvrant tous les facteurs de forme possibles, y compris les filaments, les candélabres et les globes. Ces produits seront dans les rayons des magasins Lowe’s, Best Buy, Target et Amazon en mars, à partir de 12 dollars. Cync propose en outre des thermostats intelligents et des caméras de sécurité.

 

LE PROTOCOLE IP TRIOMPHE DANS L’ÉCLAIRAGE
 

Au sortir de ce CES, le protocole IP a triomphé dans le monde de l’éclairage, que ce soit dans la smart home avec Matter ou le smart building avec DALI sur IP. Avec la version 1.2, Thread peut adresser les deux marchés tandis que DALI+ sera disponible directement au-dessus de Thread.

Avec de telles couches d’interopérabilité, la barrière à la création de nouveaux services Smart Home, Smart Building impliquant l’éclairage va s’estomper. La valeur passe désormais du matériel au logiciel, l’avènement d’un HomeOS et/ou d’un BOS ouvert, voir open source, n’étant plus qu’une question de temps.

 

LE LIFI TROUVE SES NICHES D’USAGE

 

La société japonaise Kyocera SLD Laser (KSLD), leader mondial dans la commercialisation de sources de lumière laser, a annoncé la réalisation du « DataLight LiFi », le système LiFi le plus rapide au monde. En effet, en délivrant 90 gigabits par seconde (90 Gbps), son débit de données est 100 fois plus rapide que la 5G. Les liaisons à haut débit sont basées sur les émetteurs « LaserLight » de KSLD fonctionnant, à la fois, dans les régions visibles et infrarouges du spectre lumineux. « Ces mêmes sources peuvent être utilisées pour des applications de vision nocturne, de transmission optique de puissance, de lidar 3D et d’éclairage dynamique », précise la société. Sa technologie LiFi à ultra-haut débit est sans danger pour les yeux, imperméable à l’éclairage ambiant, sécurisée, efficace et sans RF. KSLD commercialise des solutions LiFi dans les applications de mobilité automobile et sous-marine, ainsi que dans les environnements sensibles aux RF tels que les cabines d’avion, les usines intelligentes, les soins de santé, les installations gouvernementales sécurisées et les villes intelligentes. Côté récepteur, la société française Oledcomm a dévoilé sa première tablette sous Android 10, la LiFiMAXTab. C’est un produit milieu de gamme, pensé pour le télétravail, mais aussi pour toute la famille et les enfants, que ce soit à la maison ou pour l’école.