Malgré des enjeux énergétiques sensiblement différents, la France et le Japon ont la même volonté d’accélérer le développement de réacteurs de 4ème génération à Neutrons Rapides (RNR). Les deux pays partagent la vision que cette technologie est nécessaire à terme pour assurer la stabilité d’un approvisionnement énergétique décarboné. Un accord de R&D vient d’être signé pour partager les résultats qui bénéficieront à un premier démonstrateur de RNR refroidi au sodium dont la conception commence au Japon. Pilotée par la R&D, la contribution d’EDF à cet accord permettra en outre d’apporter l’éclairage d’un industriel exploitant tout en avançant sur les connaissances techniques et sur notre vision de l’esquisse d’un réacteur filière qui permettra de préparer l'avenir.

Entretien avec Sylvain TAKENOUTI et Antonio SANNA

Portrait de Sylvain TAKENOUTI, Délégué Programme Nouveaux Réacteurs à la R&D d’EDF et de Antonio SANNA Pilote du Projet Gen4Cycle & AMR à la R&D d’EDF.

Bonjour Sylvain et Antonio, vous étiez tous les deux à Tokyo pour la signature de cet accord, pouvez-vous nous dire dans quel contexte il intervient ?

Sylvain : Au Japon, il y a comme pour nous - et peut-être plus encore- une volonté très forte de bénéficier d’un parc nucléaire durable. Les questions de souveraineté, d’indépendance vis-à-vis de l’approvisionnement en uranium sont très présentes dans nos deux pays et nous voyons les stratégies nationales pour atteindre la neutralité carbone s’infléchir en faisant une place croissante au retraitement et à la valorisation des combustibles nucléaires usés, jusqu’à un objectif de fermeture du cycle du combustible nécessitant des réacteurs rapides. Cet objectif d’un parc de réacteurs à Neutrons Rapides (RNR) en France est clairement repris dans le projet de nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui appelle la filière à travailler dès aujourd’hui à définir la feuille de route et à engager des travaux pour une mise en place « à l’horizon de la fin du siècle au plus tard ».

Peut-on dire que cet accord tombe à point nommé ?

Sylvain : Oui, la volonté du Japon de bénéficier de notre expérience R&D et d’exploitant pour avancer sur la technologie RNR est une opportunité pour nous. La route vers un parc de RNR sera longue et difficile, et la collaboration internationale semble indispensable pour y parvenir. Des partenaires qui partagent nos valeurs, nos objectifs, et qui possèdent des capacités industrielles et de R&D de pointe nécessaires à ce domaine sont donc particulièrement précieux. Le Japon est un partenaire historique du projet ASTRID et même si la collaboration franco-japonaise a perduré après l’arrêt du projet en 2019, cet accord donne un nouveau souffle et une visibilité filière plus forte. Les Japonais ont beaucoup tenu à la participation d’EDF mais aussi d’exploitants japonais à cet accord.

Cette collaboration nous permettra d’échanger sur les avancées respectives de nos partenaires Japonais (MHI, MFBR, JAEA, JAPC) et français (CEA et FRAMATOME). Dans le même temps, nous voyons tout un écosystème de start-ups émerger sur ces nouvelles technologies grâce au plan France 2030 et nous sommes à la R&D en première ligne pour les accompagner.

Comment allons-nous contribuer et que va-t-on y gagner ?

Antonio : Nous avons signé cet accord sans flux financier pour 4 années, c’est un partage sur nos travaux respectifs de R&D et sur des activités de revue de conception du démonstrateur japonais prévu à l’horizon 2040. Nous sommes en train de préciser les différents sujets sur lesquels nous interviendrons et les programmes de R&D associés mais nous pouvons citer à ce stade les grands domaines :

  • les accidents graves ;
  • les matériaux de structure ;
  • les matériaux pour le cœur ;
  • le combustible ;
  • les outils de simulation numérique.

S’ajoutent à ces travaux ceux dédiés aux revues du Design et à la définition des exigences de conception qui seront plus particulièrement suivis par la Direction Technique.  
En contrepartie de notre participation à l’ensemble de ces travaux nous aurons un droit d’usage pour construire, si nous le souhaitons, un démonstrateur ou une tête de série en France sur la base des résultats partagés dans cet accord.

Merci à tous les deux, nous ne manquerons pas revenir vers vous pour suivre ce projet dans le temps !