La R&D, à travers l'interview de Bernard Salha, Directeur de la R&D, est en vedette dans le dernier numéro de la Revue de l’Electricité publiée par la SEE (Société de l'électricité, de l'électronique et des technologies de l'information et de la communication). Dans ce dossier, découvrez un tour d'horizon des grandes thématiques de recherche de la R&D : nucléaire, réseaux, mobilité, transition énergétique,... Bonne lecture
 

Extraits

La R&D d’EDF : un acteur majeur de la transition énergétique

La transition énergétique, à laquelle aspirent aujourd’hui la plupart des pays ne se fera pas sans une décarbonation totale de la production d’électricité et sans une électrification massive de tous les usages qui peuvent l’accepter. Comment la direction de la R&D d’EDF contribue-t-elle, au sein du grand électricien national, à l’atteinte de ces objectifs ?

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​​​​​​REE : En guise d’introduction, pouvez-vous nous présenter globalement l’entité R&D du groupe EDF en 2020 ?

Bernard Salha : La R&D, dans le groupe EDF, ce sont d’abord près de 2 000 salariés qui travaillent sur nos sites en France et à l’étranger. Le budget de ces sites, qui constituent la R&D, s’est élevé en 2019 à 500 millions d’euros environ.
Aux trois sites « historiques » situés en région parisienne (dont celui du plateau de Saclay, où ont été transférées en 2016 les activités précédemment exercées à Clamart), se sont ajoutés six centres de recherche ouverts dans des pays dans lesquels le groupe est actif. Ces centres, qui emploient environ 300 personnes, sont spécialisés chacun dans un domaine particulier. Ils nous donnent accès à ce qui se fait hors de France et permettent en outre, dans certains domaines, de valoriser le patrimoine scientifique d’EDF et de faciliter les partenariats.

REE : Au moment de l’ouverture des marchés de l’énergie, on pouvait craindre que la R&D des opérateurs historiques en soit une victime collatérale. Votre exemple semble indiquer que ce n’est pas le cas. Est-ce une spécificité d’EDF ? Comment vous situez-vous par rapport à d’autres grands électriciens mondiaux ?

Bernard Salha : Nous ne sommes pas une exception. Il semble même que la tendance générale soit actuellement à la croissance de l’effort de R&D chez les électriciens. En Europe, elle est certes moindre en Allemagne, mais elle est significative côté italien (ENEL) ou surtout espagnol (Iberdrola).
Si l’on fait abstraction de nos travaux sur le nucléaire qui mobilisent 40 % de nos moyens, les autres acteurs consacrent à la R&D un effort qui est similaire au nôtre et qui lui est même plutôt supérieur.
Il faut noter également qu’il existe de grands centres de recherche coopératifs comme l’EPRI aux Etats-Unis ou le CRIEPI au Japon.

REE : Avant d’en venir à la transition énergétique, parlons justement du nucléaire. Quels sont les résultats les plus marquants de vos travaux actuels dans le nucléaire ?

Bernard Salha : Notre ligne d’action est d’intégrer dans la filière nucléaire un maximum de briques technologiques innovantes dont beaucoup relèvent du concept de l’usine du futur. Nous en dénombrons une trentaine toutes développées dans le cadre de l’Initiative Usine Nucléaire du Futur (IUNF),
j’en citerai trois :
Les jumeaux numériques des réacteurs nucléaires : nous sommes leader d’un vaste projet associant Framatome, le CEA, le CNRS et cinq autres partenaires. Ce projet vise à développer des jumeaux numériques des réacteurs nucléaires c’est-à-dire la reproduction par le calcul et les algorithmes de processus physiques mis en œuvre dans chacun des sous-systèmes. Les simulations réalisées concernent notamment les générateurs de vapeur, afin notamment de mieux
organiser les opérations de maintenance.
La fabrication additive : nous nous sommes investis dans la fabrication additive métallique, par projection de matière, en utilisant de la poudre métallique ; le standard de qualité y est élevé. L’acquisition de cette compétence nous permet de répondre à la demande de divers clients industriels (Framatome,
Naval Group, Safran…).
• Le combustible nucléaire : à l’avenir, le combustible EATF (Enhanced Accident Tolerant Fuel), plus résistant aux situations accidentelles graves et notamment aux pertes de refroidissement, offrira aux exploitants davantage de temps pour réagir en cas d’accident.

REE : Venons-en maintenant à la transition énergétique. Quelle est votre approche générale du sujet ?

Bernard Salha : Dans cette problématique, on peut distinguer trois volets :
• La transition climatique : nous y répondons par une production décarbonée (sans émission de CO2) ;
• La transition électrique : il s’agit d’électrifier tous les usages qui peuvent l’être ;
• La transition digitale et sociétale : c’est le développement du numérique (jumeaux numériques, intelligence artificielle…).
Dans ce cadre, notre raison d’être, formulée dans le projet « CAP 2030 » d’EDF, s’exprime ainsi :
« Construire un avenir énergétique neutre en CO2 , conciliant préservation de la planète, bien-être et développement, grâce à l’électricité et à des services innovants.».
Pour y parvenir, la question de l’économie est centrale. Il ne s’agit pas seulement de poursuivre la baisse des prix des énergies renouvelables, mais aussi de disposer d’un modèle régulatoire permettant de sécuriser les investissements, de les « dé-risquer » et de gérer leur utilisation. Le projet européen EUSysFlex a été lancé dans cet esprit. Il est mené par 34 opérateurs (gestionnaires de réseaux, agrégateurs, instituts de recherche, consultants) dans 15 pays et EDF en assure un pilotage. Il vise à permettre à l’Europe d’atteindre un taux d’énergies renouvelables d’au moins 50 % en 2030, en développant les solutions de toutes natures (techniques, économiques, etc.) assurant la sécurité et la flexibilité de sa gestion.
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Propos recueillis par Jean-Pierre Hauet et Jacques Horvilleur

interview est parue dans la revue REE