Un site exceptionnel du patrimoine mondial
La grotte Chauvet, située à Vallon Pont-d’Arc dans la région Auvergne Rhône-Alpes, est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis juin 2014.
Découverte en 1994, elle recèle un patrimoine unique, d’une valeur universelle : les plus anciennes œuvres pariétales jamais découvertes (réalisées il y a 36000 ans), soit 18 000 ans avant celles de Lascaux. Au-delà de son ancienneté, la grotte Chauvet se distingue par la beauté des dessins et des gravures qui ornent ses parois, par l’originalité de son bestiaire avec plus de 14 espèces différentes (lions, rhinocéros, ours, mamouths, mégacéros, etc.) et la plus forte concentration de félins et de rhinocéros.
« Quand la Fondation Groupe EDF s’engage sur un projet de mécénat scientifique, il faut que la compétence de l’entreprise puisse répondre à une problématique scientifique formulée par les partenaires, et que la réponse soit inédite, ce qui est le cas de la grotte Chauvet.»
Guillaume Thibault, ingénieur-chercheur à la R&D d'EDF.
La plus ancienne galerie d'art au monde - un trésor pour les archéologues
La grotte Chauvet fait l'objet d'un programme de conservation depuis sa découverte et d'un programme de recherches depuis 1998 ; seuls les scientifiques ont accès à ce patrimoine fragile. En effet, les œuvres de nos lointains ancêtres ont pu être préservées dans un environnement géologique qui, par sa stabilité environnementale et la fermeture du porche, a constitué un remarquable conservatoire. Lorsque ces coffres-forts naturels ont été ouverts, ces trésors pariétaux ont été mis en danger, soumis aux agressions naturelles et humaines.
Afin de préserver le témoignage unique de la grotte Chauvet, inaccessible, une réplique physique synthétique, dite Chauvet 2, a été inaugurée en avril 2015. Le modèle numérique en 3D a été réalisé grâce aux travaux du Ministère de la Culture et du CNRS.
Une question : qui voyait quoi et d'où ?
Les œuvres peintes dans l’obscurité de la grotte fascinent par leur beauté, par la modernité de leurs traits et suscitent les archéologues de questions multiples : quel sens avaient ces représentations ? À qui étaient-elles destinées ? S’agissait-il de représentations rituelles, de gestes artistiques gratuits ? Ont-elles été réalisées les unes en fonction des autres ? S’adressaient-elles, selon leur position et leur visibilité, à des groupes ou à des observateurs solitaires ?
Les questions étaient posées, mais les archéologues n‘avaient bien sûr pas la possibilité de faire des essais dans la grotte. La démarche de simulation numérique a été envisagée, mais là encore, ils ne disposaient pas de méthode scientifique de simulation de la visibilité. Deux chercheurs de la R&D d’EDF, spécialistes du domaine, ont apporté leur expertise sur ce point clé. Grâce à eux, les préhistoriens disposent aujourd’hui d’une simulation numérique fiable permettant de répondre à la question « qui voyait quoi et où ? ».
L'entrée en jeu des expertises en réalité virtuelle de la R&D d'EDF :
Afin d'optimiser les opérations de maintenance, dans le cadre des chantiers liés à prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, les ingénieurs-chercheurs de la R&D développent de puissants outils à des fins industrielles, tirant notamment parti des technologies de réalité virtuelle. Par exemple le logiciel VVProPrépa fournit aux intervenants des moyens virtuels d'accès visuels aux installations. Ils peuvent de cette manière afficher, grâce au numérique, la préparation de leurs interventions. Ce sont des méthodes numériques d'entraînement, appuyées par les connaissances les plus à jour des capacités cognitives d'humains placés dans des environnements complexes qui ont été mises à disposition du projet TIPTOP (Traitement des Informations Perceptives et Topographiques appliquées aux Œuvres Pariétales
« Nous avons utilisé et amélioré deux briques logicielles développées à la R&D pour le nucléaire, précise Guillaume Thibault. Je ne ferai pas un parallèle direct entre une centrale nucléaire et la grotte Chauvet, mais ces deux univers partagent certains traits communs; ce sont des environnements complexes : de nombreux obstacles réduisent la visibilité (des murs pour les centrales, les parois et leurs replis pour les grottes), ce qui est traité par la brique logicielle n°1 ; les déplacements (des matériels occupent une large partie des sols et des plafonds dans les centrales, des stalagmites et stalactites ou encore des ruptures de pente dans les grottes etc.) ce qui est traité par la brique logicielle n°2 »
Une méthode expérimentale et une équipe pluridisciplinaire
Comment se perçoit dans le noir une œuvre sur une paroi quand je m’avance vers elle muni d’une torche à la lumière vacillante ? Telle est la question de départ qui a permis l’application des algorithmes de la R&D d’EDF à la grotte Chauvet. Guillaume Thibault et Jean-François Hullo ont construit une méthode de calcul expérimentale prenant en compte la perception visuelle dans le mouvement (partant de l’hypothèse que l’Homo sapiens de la grotte Chauvet, était sans doute plus habitué au noir, mais avait une sensibilité visuelle proche de la nôtre). La conjugaison des expertises et l’interdisciplinarité furent nécessaires pour élaborer une méthode prenant en compte un faisceau de données : imaginer un homo sapiens de taille standard, sa motricité et son champ de vision dans la position debout, accroupie et intégrer les différences de perception selon la dimension et les techniques des œuvres pariétales.
Il a fallu deux ans pour élaborer collectivement les outils d’analyse, éprouvés sur les données du modèle numérique 3D de la grotte Chauvet. Des expériences à taille réelle, dirigées par Jacques Droulez, spécialiste CNRS des sciences cognitives, ont été réalisées non pas dans la grotte elle-même, mais dans une carrière. Des fac-similés d’œuvres de la grotte y ont été reproduits par Gilles Tosello, artiste et chercheur qui a travaillé à la réplique de la grotte.
Les simulations ont débouché sur les premières cartes de visibilité
Les simulations font apparaître les lieux depuis lesquels tel ou tel groupe d’œuvres est plus ou moins visible et elles donnent des indices sur une éventuelle scénographie. Les résultats du projet TIPTOP ont été présentés à l’équipe scientifique de la grotte Chauvet en mars 2019. Ils sont en cours de publication scientifique. Par ailleurs, une mise en images, financée par la Fondation Groupe EDF, permettra d’illustrer la méthode mise en œuvre.
Le projet initié en janvier 2015 a été mené dans le cadre d’une convention entre la Fondation Groupe EDF, EDF Recherche et Développement, le CNRS (Edytem/Chambéry et ISIR/Paris) et le Ministère de la Culture.
Retrouvez les articles du dossier de presse :
- La technologie Virtual Fauteuil au Musée de Cluny
- Le Mécénat de compéténces scientifiques de la Fondation EDF au service de la société civile