Portrait de chercheur : Véronique Gouraud

Véronique Gouraud, spécialisée en hydroécologie

Ingénieur de recherche EDF R&D au Laboratoire National d’Hydraulique et d’Environnement (LNHE) depuis 1999, diplômée de l’Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux et Forêts, Véronique Gouraud met son expertise et sa passion pour l’environnement au service de la préservation des milieux naturels. Son défi : concilier énergie et écologie.
 

Quel est votre domaine scientifique ?

J’étudie les incidences écologiques des ouvrages de production d’électricité sur les écosystèmes aquatiques. Depuis la loi « Pêche » de 1984 qui ciblait la protection des poissons, la réglementation a évolué et élargit sa cible à toutes les composantes du milieu (animales et végétales, hydromorphologiques et physico-chimiques). La préservation de la biodiversité est un réel enjeu en amont et en aval des sites de production d’électricité. Elle suppose la gestion des débits des barrages, car une quantité d’eau minimum doit subsister à l’aval immédiat des barrages pour limiter l’impact sur les écosystèmes et garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces présentes. Plus à l’aval, à l’endroit où sont restitués les débits d’eau des centrales hydroélectriques, les milieux peuvent être soumis à de fortes variations (les éclusées) qui peuvent avoir des conséquences environnementales importantes. Ces dernières années, avec la croissance des énergies renouvelables intermittentes comme l’hydraulique fournie par les barrages, c’est devenu un sujet de recherche d’actualité.
 

Quel est votre process de recherche ?

Afin d’identifier les modes de gestion de l’eau adéquats, nous effectuons des suivis de communautés biologiques. A partir de prélèvements effectués dans un tronçon de cours d’eau défini, nous procédons à des inventaires exhaustifs. Les poissons par exemple, capturés grâce à un champ électrique, sont comptés, pesés, mesurés et répertoriés. Avec ces échantillons, il est possible de caractériser les populations, de faire des analyses comparatives entre site, puis de créer des outils de modélisation avec des applications site par site . Au cours de ce process, la collaboration avec nos partenaires est très importante : l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), l’Agence française pour la biodiversité (AFB, ex ONEMA), d’autres laboratoires de recherche universitaire, mais également des fédérations de pêcheurs.
 

Lequel de vos travaux a particulièrement apporté, selon vous, à la communauté scientifique ?

J’ai créé des outils de modélisation pour la dynamique des populations piscicoles, les truites en particulier. Cette espèce est implantée en tête de bassin, en amont du réseau hydrographique qui compte 80 % des ouvrages hydroélectriques et où la truite est la seule espèce de poisson présente. La dynamique des populations est caractérisée par le lien entre leur cycle biologique (fécondité, croissance, déplacements) et les paramètres de leur milieu de vie (habitat, hauteur du niveau d’eau, vitesse du courant, substrat, température et taux d’oxygène de l’eau). Elle permet d’identifier les facteurs de régulation et de simuler l’incidence de différents modes de gestion des ouvrages.
 

Quels sont vos travaux en cours ?

Ils portent sur les phénomènes d’échouage, de piégeage et d’entrainement des poissons, lors de la restitution des débits turbinés à l’aval des centrales fonctionnant en éclusées. Je m’investis également sur de nouveaux sujets tels que la compensation. Les modes de gestion qui sont préconisés permettent d’éviter les impacts sur les écosystèmes, voire de les atténuer, mais quand certains subsistent, des mesures compensatoires sont nécessaires. Actuellement, elles sont effectuées principalement sur les écosystèmes terrestres. Il s’agit par exemple de replanter des haies ou de recréer des mares. La problématique consiste à déterminer l’équivalence écologique, à savoir évaluer le gain obtenu en termes de biodiversité, grâce à cette intervention, par rapport à la dégradation causée.
 

Quelle fierté ou satisfaction retirez-vous de votre métier ?

Mon activité consiste à faire de la recherche appliquée : acquérir une meilleure connaissance des écosystèmes pour préconiser les modes de gestion les plus adaptés. Tirer des résultats opérationnels de ses travaux scientifiques est très motivant, particulièrement sur cette thématique. Concilier production d’électricité et protection des milieux naturels est devenu aujourd’hui un enjeu majeur !

« La préservation de la biodiversité est un réel enjeu en amont et en aval des sites de production. Concilier écologie et énergie est devenu aujourd’hui un enjeu majeur ! »