Portrait de chercheur : Philippe Egrot
Philippe Egrot, spécialiste des réseaux de haute tension
D’une insatiable curiosité, Philippe Egrot a exploré plusieurs facettes de son métier de chercheur, du management d’équipe au conseil scientifique. Expert reconnu, il se consacre aujourd’hui aux réseaux électriques de grand transport.
Qu’est-ce qui a motivé votre orientation dans la recherche ?
Comment faire de la fumée ? Qu’est-ce qui produit de l’énergie ? Dès mon plus jeune âge, j’ai été avide de comprendre le fonctionnement des choses. L’acquisition d’une boîte de composants électroniques a été un véritable déclencheur dans mon engagement dans le domaine de la technique. Après des premiers pas professionnels chez Matra Telecom, j’ai rejoint EDF-GDF Services comme technicien d’étude. Un jour, j’ai candidaté à un poste à la recherche & développement et cela a été une révélation. Je suis entré dans une autre logique de travail, passant d’une performance collective à une exigence plus individuelle. En 2000, j’ai endossé le rôle de manager d’un groupe d’une quarantaine de personnes avant de m’orienter vers les technologies en 2008, date à laquelle je suis devenu chef du projet « Liaisons à courant continu ».
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
J’accompagne le groupe EDF dans l’analyse de la maîtrise du risque industriel associé aux technologies émergentes. Le raccordement des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque…) est un enjeu majeur. Il faut les connecter au réseau de transport de l’énergie avec des convertisseurs, des câbles souterrains, des plateformes flottantes en prenant en compte les usages croissants des équipements numériques (ordinateurs, tablettes, téléphones mobiles…). Notre objectif est d’améliorer les performances du transport de l’électricité et d’anticiper les ruptures technologiques. Si le courant alternatif est la norme quasi universelle, il génère des pertes particulièrement problématiques dans les liaisons souterraines et sous-marines sur de longues distances. Aussi, aujourd’hui, le courant continu qui permet de bâtir de gigantesques autoroutes de l’énergie s’impose. Je suis spécialisé dans les réseaux longs et interconnectés avec pour technologie le HVDC (high voltage direct current). C’est le domaine de recherche des projets de Supergrids, super-réseaux électriques capables de transporter de grandes puissances à l’échelle quasi-continentale. Face à l’explosion de ce business, il est essentiel qu’EDF se positionne. Je mets mon expertise au service des décideurs stratégiques internes et de nos clients opérationnels qui doivent construire ou rénover ces réseaux.
Quel est l’un de vos meilleurs souvenirs ?
Il remonte à l’époque où je faisais de la modélisation en mécanique statique. Pour la première fois, nous avons appliqué la méthode dite des éléments finis à l’étude de la résistance des pylônes. Cette approche permet de décrire, à partir d’équations mathématiques, le comportement physique d’un système. En imposant des zones d’appui et des efforts mécaniques on sollicite un maillage assez fin décrivant les caractéristiques géométriques et mécaniques de l’équipement. Cette approche demande une puissance de calcul extraordinaire : il faut écrire 6 à 10 équations par centimètre cube. EDF ayant fait l’acquisition dans les années 90 d’un CRAY, un calculateur très puissant, nous avons pu représenter le comportement mécanique des assemblages boulonnés et prédire les résultats d’un essai. Une première mondiale.
Qu’est-ce qui anime votre vie de chercheur ?
La recherche c’est d’abord un état d’esprit. Quand j’ai un moment de libre, je fais des équations différentielles. C’est aussi une école de l’humilité. Il faut prendre des risques, et accepter de se tromper. Sur 100 idées exprimées, 2 sont bonnes. C’est enfin un moteur passionnant qui pousse à aller toujours de l’avant. Ma référence, c’est Léonard de Vinci, pour son génie et son audace.
"Mon travail de chercheur chez EDF consiste à éclairer les décideurs sur les risques et les opportunités associés aux nouvelles technologies."