Charles Toulemonde, expert en informatique scientifique appliquée aux matériaux
Charles Toulemonde, expert en informatique scientifique appliquée aux matériaux
Docteur-ingénieur diplômé de CentraleSupélec pour ses travaux de recherche sur la dynamique non-linéaire - financés par EDF - il intègre l’entreprise tout de suite après. Après plusieurs années de travail sur le génie nucléaire, il travaille désormais sur les jumeaux numériques des bâtiments réacteurs pour en anticiper les différents aléas.
Pourquoi êtes-vous devenu chercheur ?
J’ai fait une thèse sur la dynamique du chaos, en partenariat avec EDF de 1994 à 1997, puis j’ai été embauché dans la foulée. Avant cela j’ai fait mon service militaire au CEA à la Direction des Applications Militaires. Autrement dit, les gens qui fabriquent et calculent la force de dissuasion nucléaire, sur des questions de sécurité. Et encore avant cela j’ai dessiné des voiles … J’aurais pu faire carrière dans cet univers mais le poste de service militaire sur le défi français pour la Coupe de l’America n’était plus financé donc j’ai dû partir sur autre chose !
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je travaille sur le développement des jumeaux numériques. Il s’agit par exemple d’élaborer une image numérique d’un ouvrage ou d’un composant pour prédire son comportement, sur le plan de la mécanique ou de l’étanchéité du bâtiment par exemple. J’ai notamment animé le développement et la livraison du premier jumeau numérique d’une maquette de bâtiment de réacteur nucléaire, baptisée VERCORS. Preuve de son efficacité, en mars 2018, nous avons réussi à prédire à 5% près le taux de fuite de cette enceinte.
Quel est l'intérêt de ce type de projet ?
Les jumeaux numériques existent depuis longtemps, dans l’aéronautique par exemple. Ils permettent d’optimiser les performances et les coûts de production des avions, de réduire le nombre d’essais, de faire des économies considérables et des prédictions plus précises sur l’ensemble de leur cycle de vie. Ce travail nécessite à la fois une grande capacité de modélisation et une importante puissance de calcul. Il faut aussi être capable de faire dialoguer ces deux aspects avec des informations expérimentales. Il faut que tout le monde travaille ensemble : ceux qui mesurent sont main dans la main avec ceux qui calculent. C’est une approche particulièrement adaptée aux questions de maintenance prédictive.
Quelle est votre vision de la recherche dans ce domaine ?
Je pense que l’on vit aujourd’hui une révolution tranquille sur ces sujets. Nous sommes à une époque où l’on collecte beaucoup de données et de mieux en mieux. Nous ne sommes donc qu’au début des jumeaux numériques. Ce qui me plaît c’est d’apprendre sans cesse aux cotés de personnes passionnées et passionnantes, et de donner un sens à tout ce que j’ai pu faire dans le passé. Je travaille avec des étudiants et ce rôle de transmission me tient particulièrement à cœur. J’apprécie aussi la dimension de partage : on partage avec d’autres chercheurs sur nos méthodes, on collabore avec des gens du monde entier et on apprend les uns des autres.
Quelle est votre plus grande fierté ?
De pouvoir constater les applications directes de notre travail. C’est une grande fierté. Cette approche avait déjà permis de réaliser plusieurs dizaines de millions d’euros d’économies sur le programme de maintenance des tours aéroréfrigérantes du nucléaire français. Tout mon parcours se concrétise aujourd’hui. J’ai l’impression d’avoir fait un bon pari.
« LES JUMEAUX NUMÉRIQUES PERMETTENT DE FAIRE DES ÉCONOMIES CONSIDÉRABLES »