En 1946, l’île des Impressionnistes accueillait le Laboratoire National d’Hydraulique, premier centre de R&D d’EDF, en partenariat avec le Ministère des Travaux Publics de l’époque. 75 ans de recherches, de découvertes et d'innovations ont permis de faire avancer le Groupe et tracer la voie vers une électricité bas carbone. 2021 est l’occasion de célébrer ces réussites et cet anniversaire.
Mais pourquoi ce laboratoire dès la naissance de l’entreprise, pourquoi à Chatou ? Et avant cela… qu’en était-il de l’ile ?
La partie de l’Ile des Impressionnistes sur laquelle est maintenant implantée la R&D était quasiment déserte au début du XXe siècle. Ce n’est qu’entre 1930 et 1932, soit une petite dizaine d’années avant la construction des premiers bâtiments, qu’a été érigé le barrage de Chatou en remplacement d’un ancien barrage à aiguilles datant de 1840. Quant à l’écluse en bordure du site, elle date de 1966. Et contrairement à l’idée que ce font souvent les riverains, ces ouvrages appartiennent aux Voies Navigables de France et non à EDF. Il s’agit d’une ile dont les deux biefs présentent une différence de niveau de 3 mètres ce qui permet de réaliser facilement des essais nécessitant de grands débits. Elle est idéalement située près d’un barrage et proche de Paris.
Et si l’on remonte encore plus en arrière on apprend que c’est à partir des années 1890 que l’hydroélectricité s’est développée rapidement en France avec une multitude de petites sociétés qui se fédèrent en 1900 en une chambre syndicale des forces hydrauliques.
C’est donc en 1930 que débutèrent réellement les travaux de construction de l’infrastructure d’un laboratoire hydraulique par Pierre-Henry Watier, Directeur des Ports et Voies Navigables au ministère des Travaux Publics. La construction du gros œuvre du hall A (ancêtre des bâtiments E - F - I) a eu lieu de 1933 à 1939 et a été interrompu par la guerre. A la Libération, les constructions reprennent, et la loi de nationalisation du 8 avril 1946 rassemble les sociétés françaises d’électricité privées dans une seule entité juridique : Electricité de France. Sa taille était alors suffisante pour qu’elle se dote de moyens d’essais. C’est aussi l’acte de naissance de la Direction des Etudes et Recherches (DER). Un accord est signé le 1er janvier 1947 entre le ministre des Travaux Publics et EDF afin de créer le Laboratoire National d’Hydraulique (LNH), dont la gestion sera assurée par le Ministère et la DER pour une durée initiale de 15 ans, en vue de soutenir la remise en état des infrastructures fluviales, portuaires et maritimes du pays, augmenter sa capacité en hydroélectricité, et bâtir des ouvrages de production d’électricité, principalement des barrages. Cette double tutelle a perduré jusqu’au début des années 60.
Les années 1947 et 1948 voient s’achever la construction du hall A. La DER crée un nouveau site à Clamart, où sont installés les premiers laboratoires électriques et les premières stations d’essais et parallèlement se crée à Chatou un centre de R&D. A cette période, les modèles physiques se construisaient en plein air qu’il s’agisse des radiers ou des cuvelages. Septembre 1948 voit s’élever des ateliers. Le site de Chatou se renforce comme symbole de l’hydraulique. Son noyau dur est le LNH qui dispose de moyens techniques et humains conséquents et dont les travaux ont notamment permis le développement de l’hydroélectricité, et plus particulièrement les grands barrages, dans un contexte de forte pénurie d’énergie. Débute en 1949 la création des grands halls notamment du hall J qui abrite aujourd’hui les installations expérimentales en hydraulique et thermohydraulique. Ses fondations sont posées, ainsi que les piliers et les poutres. En 1951, d’autres coffrages du hall sont érigés et la toiture est posée. Les constructions se poursuivent jusqu’en 1953 et s’achèvent en 1961. En 1960 des modèles physiques bâtis à l’extérieur sont encore présents entre le bâtiment et la Seine côté Rueil-Malmaison. Mais ce seront les derniers. C’est à cette époque aussi que le hall principal atteindra une surface de 22 000m², réduit de moitié aujourd’hui. Le 25 janvier 1965 une nouvelle convention est signée avec le Ministère qui laisse à EDF la gestion du laboratoire, l’Etat restant propriétaire du terrain et des bâtiments.
Au fil des décennies, d’autres équipes se grefferont à cette structure pour constituer le Centre de Recherches et d’Essais, autour notamment de l’éolien, du nucléaire, de l’hydrologie et du service des Essais extérieurs qui vérifie la conformité des matériels livrés ou prototypés avec les spécifications des cahiers des charges. Durant les années 1960-1970, l’arrivée des moyens informatiques permettent chaque jour de résoudre par moyens numériques des problèmes qui précédemment était exclusivement du ressort de l’expérimental. Le LNH est entrainé après 1970 dans le grand mouvement de mise en œuvre du programme nucléaire suite à la crise pétrolière de 1973 et à l’épuisement du potentiel hydroélectrique économiquement exploitable. Par la suite des codes de simulations numériques sont développés tels que LIDO, ASTRID, TELEMAC-MASCARET, ASTER, SALOME, appelés comme l’avenir le montrera à de nombreuses évolutions.
Entre temps, les problématiques industrielles auxquelles étaient confrontés, tant les pouvoirs publics que EDF, ont évolué. Au début des années 2000, l’entreprise accompagne la politique de développement durable alors en plein essor du fait, entre autre, de l’urbanisation. Les activités du site ont suivi cette transformation tout en restant centré sur l‘hydraulique mais en développant la recherche dans l’électricité thermique à flamme, l’électricité nucléaire et les énergies renouvelables. L’ensemble des départements de recherche ont donc réalisé de nombreuses installations d’essais dédiées.
Puis vient le temps plus récent de la R&D telle que nous la connaissons avec la création des différents Départements de recherches et de la présence aussi de l’Equipe Programme Production qui définit les programmes de recherche dans le domaine de la production d’électricité. Entre temps, l’IRDEP (Institut de Recherche & Développement sur l’Energie Photovoltaïque) a posé ses jalons pour étudier des technologies de ruptures sur les panneaux photovoltaïques. Historiquement situé sur le site, cette UMR est partie en 2018 s’implanter sur le plateau de Saclay en s’intégrant dans le nouvel IPVF (Institut Photovoltaïque d’Ile-de-France).
EDF Lab Chatou occupe aujourd’hui comme hier un des tout premiers rangs mondiaux dans ces disciplines. Le site est resté placé sous le signe de la collaboration et des partenariats avec le Ministère de l’équipement aujourd’hui dénommé Ministère de la Transition Ecologique.
Célébrer ces 75 ans de présence est une manière à la fois de saluer le passé et de se tourner vers l’avenir comme le montre la nouvelle convention d'occupation signée en septembre 2020 pour une durée de 30 ans en même temps qu'une convention de collaboration qui définit les modalités d’utilisation commune par l’État et EDF des moyens d’essais d’hydraulique. EDF Lab Chatou peut envisager l’avenir sereinement et continuer de mener à bien les travaux de recherches dans les domaines de la production d’électricité décarbonée afin de répondre aux enjeux de la neutralité carbone.